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Le Destin Des Dragons
Morgan Rice


L'anneau Du Sorcier #3
L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients d'un succès immédiat : des intrigues, des contre-intrigues, du mystère, de vaillants chevaliers et des relations en plein épanouissement qui débordent de cœurs brisés, de tromperies et de trahisons. Ce roman vous distraira pendant des heures et satisfera toutes les tranches d'âge. A ajouter à la bibliothèque permanente de tous les lecteurs d'heroic fantasy. Books and Movie Reviews, Roberto MattosLE DESTIN DES DRAGONS (Tome n°3 de l'Anneau du Sorcier) nous emmène plus loin dans l'initiation guerrière épique de Thor, qui traverse la Mer de Feu vers l'Île des Brumes du dragon. C'est un endroit sans pitié où se trouvent les meilleurs guerriers du monde, et les pouvoirs et les capacités de Thor s'accroissent au cours de son entraînement. Ses amitiés s'enrichissent elles aussi, car lui et ses amis affrontent des adversités ensemble, au-delà ce qu'ils auraient pu imaginer. Cependant, quand ils se retrouvent en conflit avec des monstres inimaginables, la séance d'entraînement des Cent se transforme vite en histoire de vie ou de mort. Tous n'y survivront pas. En chemin, les rêves de Thor et ses mystérieuses rencontres avec Argon continueront à le tracasser, à le pousser à essayer d'en apprendre plus sur son identité, sur l'identité de sa mère et sur la source de ses pouvoirs. Quelle est sa destinée ? Dans le royaume de l'Anneau, la situation a beaucoup empiré. Quand Kendrick est emprisonné, Gwendolyn se rend compte que c'est à elle d'essayer de le sauver, de sauver l'Anneau en renversant son frère Gareth. Elle recherche des indices sur l'identité de l'assassin de son père en compagnie de son frère Godfrey et, au fur et à mesure, ils vont devenir beaucoup plus proches l'un de l'autre, unis par leur cause. Cependant, Gwendolyn se retrouve en danger de mort quand son enquête la mène trop loin, et elle risque d'être dépassée par les événements. Gareth essaie de manier l'Épée de la Dynastie et apprend ce qu'être Roi signifie. Il s'enivre de pouvoir et en abuse. Il règne impitoyablement et devient paranoïaque. A mesure que l'étau de resserre sur l'assassin du roi, les McCloud poursuivent leurs attaques dans l'Anneau et la Cour du Roi se retrouve dans une position de plus en plus précaire. Gwendolyn se languit de Thor, a envie qu'ils soient ensemble, que leur amour prenne son envol. Cependant, les forces qui s'y opposent sont telles qu'on peut douter que cela se produise un jour. Thor survivra-t-il aux Cent ? La Cour du Roi va-t-elle s'effondrer ? Trouvera-t-on l'assassin de MacGil ? Gwendolyn finira-t-elle avec Thor ? Et Thor finira-t-il par apprendre le secret de sa destinée ? Avec sa création de mondes et sa caractérisation sophistiquées, LE DESTIN DES DRAGONS est un conte épique avec amis et amants, rivaux et prétendants, chevaliers et dragons, intrigues et machinations politiques, avec passage à l'âge adulte, cœurs brisés, tromperies, ambition et trahisons. C'est un conte avec de l'honneur et du courage, du destin et de la sorcellerie. C'est une histoire d'heroic fantasy qui nous emmène dans un monde que nous n'oublierons jamais et qui satisfera toutes les tranches d'âge et tous les sexes. Les tomes n°4 – n°17 de la série sont aussi disponibles ! Ce livre a retenu mon attention dès le début et ne l'a pas laissée retomber … Cette histoire est une aventure surprenante qui file à cent à l'heure et déborde d'action dès les premières pages. On ne s'y ennuie pas un seul moment. Paranormal Romance Guild {à propos de Transformée}Bourré d'action, d'amour, d'aventure et de suspense. Emparez-vous de ce livre et retombez amoureuse. vampirebooksite. com (à propos de Transformée)





Morgan Rice

Le Destin Des Dragons (Tome N 3 De L'anneau Du Sorcier)




Morgan Rice

Morgan Rice est l'auteur à succès n°1 et l'auteur à succès chez USA Aujourd'hui de la série d'épopées fantastiques L'ANNEAU DU SORCIER, qui contient dix-sept tomes, de la série à succès n°1 SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, qui contient onze tomes (pour l'instant), de la série à succès n°1 LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique qui contient deux tomes (pour l'instant) et de la nouvelle série d'épopées fantastiques ROIS ET SORCIERS. Les livres de Morgan sont disponibles en édition audio et papier, et des traductions sont disponibles en plus de 25 langues.

TRANSFORMATION (Livre #1 Mémoires d'un Vampire),  ARENE UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Livre #1 de la Trilogie des Rescapés),  LE REVEIL DES DRAGONS (le tome 1 de Rois et Sorciers) et LA QUÊTE DES HÉROS (le tome 1 de l'Anneau Du Sorcier) sont tous disponibles en téléchargement gratuit!



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SГ©lection d'Acclamations pour Morgan Rice

“Livre fantastique plein d'entrain qui intègre un soupçon de mystère et de complot dans son intrigue. Toute l'histoire de La Quête des Héros porte sur la recherche du courage et la définition d'un but de vie qui mène à la croissance, la maturité et l'excellence … Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les techniques et l'action fournissent une vigoureuse série de rencontres qui se focalisent efficacement sur l'évolution de Thor d'un enfant rêveur à un jeune adulte confronté à d'impossibles conditions de survie … Et ce n'est que le début de ce qui promet d'être une série épique pour jeunes adultes.”

--Midwest Book Review (D. Donovan, Critique d'eBooks)



“L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients d'un succès immédiat : des intrigues, des contre-intrigues, du mystère, de vaillants chevaliers et des relations en plein épanouissement qui débordent de cœurs brisés, de tromperies et de trahisons. Ce roman vous distraira pendant des heures et satisfera toutes les tranches d'âge. A ajouter à la bibliothèque permanente de tous les lecteurs d'heroic fantasy.”

–-Books and Movie Reviews, Roberto Mattos



“La distrayante fantaisie épique de Rice [L'ANNEAU DU SORCIER] comprend des traits classiques du genre : un cadre puissant, fortement inspiré par l’Écosse ancienne et son histoire, et un bon sens des intrigues de cour.”

–Kirkus Reviews



“J'ai adoré la façon dont Morgan Rice a créé le personnage de Thor et le monde dans lequel il vivait. Le paysage et les créatures qui le hantaient étaient très bien décrits … J'ai apprécié [l'intrigue]. Elle était courte et charmante … Il y avait juste la bonne quantité de personnages secondaires, ce qui fait que je ne m'y suis pas perdue. Il y avait des aventures et des moments déchirants, mais l'action décrite n'était pas exagérément grotesque. Le livre serait parfait pour un lecteur adolescent … Il contient les prémices de quelque chose de remarquable …”

--San Francisco Book Review



“Dans ce premier tome, bourré d'action, de la fantaisie épique de la série de l'Anneau du Sorcier (qui contient actuellement 14 tomes), Rice présente aux lecteurs Thorgrin "Thor" McLeod, 14 ans. Son rêve est de faire partie de la Légion d'Argent, les chevaliers d'élite qui servent le roi … L'écriture de Rice est consistante et les prémisses intrigantes.”

--Publishers Weekly



“[LA QUÊTE DES HÉROS] est rapide et facile à lire. Les chapitres se terminent d'une façon qui vous poussent à lire la suite du livre et vous ôtent l'envie de le poser. Il y a des fautes de frappe dans le livre et des confusions sur certains noms mais cela ne détourne pas le lecteur de l'histoire dans son ensemble. La fin du livre m'a donné envie de me procurer immédiatement le tome suivant et c'est ce que j'ai fait. Les neuf tomes de la série de l'Anneau du Sorcier peuvent tous s'acheter dès maintenant sur la boutique Kindle et, actuellement, vous pouvez commencer par La Quête des Héros, qui est en téléchargement gratuit sur cette plate-forme ! Si vous recherchez quelque chose de rapide et d'amusant à lire pendant que vous êtes en vacances, ce livre fera parfaitement l'affaire.”

--FantasyOnline.net



Livres par Morgan Rice

ROIS ET SORCIERS

LE REVEIL DES DRAGONS (Tome 1)

LE REVEIL DES BRAVES (Tome 2)



L'ANNEAU DU SORCIER

LA QUГЉTE DES HEROS (Tome n 1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome n 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n 3)

UN CRI D'HONNEUR (Tome n 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n 5)

UNE VALEUREUSE CHARGE (Tome n 6)

UN RITE D'EPEES (Tome n 7)

UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n 8)

UN CIEL DE CHARMES (Tome n 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n 10)

LE REGNE DE L'ACIER (Tome n 11)

UNE TERRE DE FEU (Tome n 12)

LE REGNE DES REINES (Tome n 13)

LE SERMENT DES FRERES (Tome n 14)

UN REVE DE MORTELS (Tome n 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n 16)

LE DON DE LA BATAILLE (Tome n 17)



LA TRILOGIE DES RESCAPES

ARENE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n 1)

ARENE DEUX (Tome n 2)



SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE

TRANSFORMEE (Tome n 1)

AIMEE (Tome n 2)

TRAHIE (Tome n 3)

PREDESTINEE (Tome n 4)

DESIREE (Tome n 5)

FIANCEE (Tome n 6)

VOUEE (Tome n 7)

TROUVEE (Tome n 8)

RENEE (Tome n 9)

ARDEMMENT DESIREE (Tome n 10)

SOUMISE AU DESTIN (Tome n 11)












Г‰coutez la sГ©rie de L'ANNEAU DU SORCIER en format livre audio !


Copyright В© 2013 par Morgan Rice



Tous droits rГ©servГ©s. Sauf dГ©rogations autorisГ©es par la Loi Г©tats-unienne sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ГЄtre reproduite, distribuГ©e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockГ©e dans une base de donnГ©es ou systГЁme de rГ©cupГ©ration, sans l'autorisation prГ©alable de l'auteur.



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Il s'agit d'une Е“uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les Г©vГ©nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisГ©s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes rГ©elles, vivantes ou mortes, n'est que pure coГЇncidence.



Image de couverture : Copyright Bob Orsillo, utilisГ©e en vertu d'une licence accordГ©e par Shutterstock.com.


“Ne vous mettez pas entre le dragon et sa fureur.”

    —William Shakespeare
В В В В Le Roi Lear






CHAPITRE UN


Le Roi McCloud chargea en dévalant la pente, traversant les Highlands, pénétrant dans la partie MacGil de l’Anneau. Des centaines d’hommes le suivaient comme si leur vie en dépendait pendant que son cheval dévalait la montagne. Il tendit le bras en arrière, leva son fouet et l’abattit  violemment sur le flanc du cheval, qui n’avait pas besoin d’être poussé, mais le roi aimait jouer du fouet. Il aimait faire souffrir les animaux.

La vue qui s’offrait à McCloud le faisait presque saliver : un village MacGil idyllique, les hommes aux champs et sans armes, leurs femmes à la maison en train d’étendre le linge sur les fils, peu vêtues en cette chaleur estivale. Les portes des maisons étaient ouvertes, les poules se promenaient librement, les chaudrons étaient déjà au feu pour le repas du soir. Il pensa aux ravages qu’il s’apprêtait à faire, au butin qu’il allait amasser, aux femmes qu’il allait déshonorer, et son sourire s’élargit. Il sentait presque l’odeur du sang qu’il était sur le point de faire couler.

Ils chargèrent encore et encore, les pas de leurs chevaux grondant comme le tonnerre et faisant écho dans la campagne entière et ce n’est qu’alors que quelqu’un les remarqua : la vigie du village, un piètre substitut de soldat, un adolescent tenant une lance qui sursauta et se tourna dans leur direction au bruit de leur approche. McCloud le fixa dans le blanc des yeux, vit la peur et la panique s’emparer de son visage; dans cet avant-poste paisible, le garçon n’avait probablement jamais vu une bataille de sa vie. Et il n’y était absolument pas préparé.

McCloud ne perdit pas de temps : il voulait ГЄtre le premier Г  tuer, comme toujours sur un champ de bataille. Ses hommes prenaient garde Г  ne pas Г  lui Гґter ce privilГЁge.

Il fouetta à nouveau son cheval jusqu’à ce que ce dernier se mette à hurler et à accélérer, se détachant du gros de la troupe. Il brandit la lance de son aïeul, un lourd objet en fer, s’inclina en arrière et la lança.

Comme toujours, il atteignit son objectif : le garçon s’était tout juste retourné quand la lance se planta dans son dos, le transperça et alla se planter dans un arbre avec un sifflement, le garçon embroché dessus. Du sang jaillit de son dos et cela suffit à combler McCloud.

McCloud laissa échapper un cri de joie alors qu’ils continuaient de charger vers la porte du village sur les terres des MacGil, au travers des champs de maïs qui se balançaient au gré du vent et arrivaient à hauteur des cuisses de son cheval. C’était presque un jour trop beau, un tableau trop plaisant pour la dévastation qu’ils s’apprêtaient à répandre.

Ils lancèrent l’assaut par la porte non protégée du village, dont l’emplacement à la périphérie de l’Anneau était d’autant plus idiot étant donné la proximité des Highlands. Ils auraient dû s’y attendre, pensa avec mépris McCloud alors qu’il faisait voler sa hache et abattait un panneau en bois portant le nom du village. Il trouverait bientôt un nouveau nom.

Ses hommes pénétrèrent dans l’enceinte et partout autour de lui s’élevèrent des cris de femmes, d’enfants, de vieillards et de quiconque se trouvait chez lui dans ce coin paumé. Il s’agissait peut-être d’une centaine de malchanceux mais McCloud était bien décidé à les faire tous payer. Il brandit sa hache au-dessus de la tête et se concentra sur une femme en particulier qui lui tournait le dos et qui essayait de sauver sa vie en courant vers la sécurité de sa maison. Cela ne devait pas se passer ainsi.

Comme McCloud l’avait espéré, sa hache se planta dans l’arrière de son mollet et elle s’effondra en hurlant. Il n’avait pas cherché à l’abattre : il voulait seulement la mutiler. Il cherchait à la capturer vivante en vue des plaisirs qu’il prendrait avec elle par la suite. Il l’avait bien choisie : une femme aux longs cheveux blonds en liberté et aux hanches étroites, âgée d’à peine plus de dix-huit ans. Elle serait sienne. Et quand il en aurait fini avec elle, peut-être la tuerait-il. Ou peut-être pas; peut-être en ferait-il son esclave.

Arrivant à sa hauteur, il hurla de joie en sautant de son cheval avant qu'il se soit arrêté et, quand il lui tomba dessus, il la plaqua au sol. Ils roulèrent dans la poussière et, en sentant l’impact du sol, il se mit à sourire et savoura le plaisir d’être en vie.

Finalement, la vie avait Г  nouveau un sens.




CHAPITRE DEUX


Dans la Salle des Armes, entouré d’une douzaine de ses frères, tous membres aguerris de l'Argent, Kendrick était dans l’œil du cyclone. Il faisait face à Darloc, le commandant de la garde royale envoyé accomplir une mission malheureuse. A quoi Darloc s’attendait-il donc ? Avait-il vraiment cru pouvoir arriver fièrement dans la Salle des Armes et arrêter Kendrick devant tous ses frères d’armes, lui, le favori de la famille royale ? Croyait-il réellement que les autres resteraient sans réagir et le laisseraient faire ?

Il avait grandement sous-estimé la loyauté de l'Argent envers Kendrick. Même si Darloc s’était présenté avec des accusations légitimes en vue de son accusation, ce qui était loin d’être le cas, Kendrick doutait très franchement que ses frères l’auraient laissé l’emmener. Ils étaient loyaux pour la vie et loyaux jusqu’à la mort. C’était le principe de l'Argent. Il réagirait de la même façon si l’un de ses frères était menacé. Après tout, ils s’étaient entraînés et avaient combattu ensemble toute leur vie.

Alors que les membres de l'Argent dirigeaient leurs armes vers la petite dizaine de gardes royaux qui, de moins en moins à l’aise, bougeaient nerveusement sur place, Kendrick sentait que la tension devenait palpable dans le silence pesant. Ils devaient savoir que cela se finirait par un massacre si l’un d’entre eux tentait de dégainer son épée, chose que, sagement, aucun d’entre eux ne fit. Ils restèrent immobiles et attendirent les ordres de leur commandant, Darloc.

Darloc déglutit, nerveux. Il comprit que sa mission était vouée à l’échec.

“Il semblerait que tu ne sois pas venu avec suffisamment d’hommes”, répondit Kendrick avec calme et en souriant. “Une dizaine de Gardes du Roi contre une centaine de membres de l'Argent. Votre cause est perdue d’avance.”

Darloc rougit puis devint livide. Il s’éclaircit la gorge.

“Mon Seigneur, nous servons tous le même royaume. Je ne cherche pas à me battre contre vous. Vous avez raison : nous ne pouvons gagner ce combat. Si vous nous le demandez, nous nous en irons et retournerons auprès du Roi.

“Cependant, vous savez que Gareth enverra encore plus d’hommes après vous. D’autres hommes. Et vous savez où cela nous mènera. Vous les tuerez peut-être tous, mais souhaitez-vous vraiment vous retrouver avec le sang de vos frères sur les mains ? Voulez-vous réellement déclencher une guerre civile ? Vos hommes sont prêts à risquer leur vie et à tuer n’importe qui pour vous. Cependant, est-ce juste pour eux ?”

Kendrick regarda autour de lui en y réfléchissant. Darloc avait raison. Il ne souhaitait voir aucun de ses hommes blessé rien que pour sa propre personne. Il ressentit un écrasant besoin de les protéger de tout carnage, quel qu’en soit le prix à payer pour lui. Bien que Gareth soit un homme atroce et un mauvais souverain, Kendrick ne souhaitait pas la guerre civile, du moins pas en son nom. Il y avait d’autres alternatives; comme il l’avait appris, la confrontation directe n’était pas toujours la méthode la plus efficace.

Kendrick tendit la main vers l’épée de son ami Atme et lui fit baisser son arme. Il se retourna et fit face aux autres membres de l'Argent. Il leur était immensément reconnaissant d’être venus à son secours.

“Mes frères de l'Argent !” déclara-t-il. “Je suis très touché par votre geste et je vous assure que cela n’est pas en vain. Vous me connaissez tous et vous savez que je n’ai rien à voir avec la mort de mon père, votre précédent roi. Et lorsque je trouverai son meurtrier, dont je pense connaître l’identité vu la nature de ces actes, je serai le premier à réclamer vengeance. On m’accuse ici à tort. Cela étant dit, je ne souhaite pas être l’élément déclencheur d’une guerre civile. Je vous prie de baisser vos armes. Je vais me rendre dans le calme. Un membre de l’Anneau ne devrait jamais avoir à se battre contre un autre. Si justice existe, alors, la vérité éclatera et je vous reviendrai sous peu.”

Lentement et à contrecœur, le groupe de l'Argent baissa ses armes et Kendrick se dirigea vers Darloc. Accompagné de Darloc, Kendrick se dirigea vers la porte entouré par la Garde Royale. Droit, Kendrick marchait fièrement au milieu. Darloc n’essaya pas de lui passer les chaînes, peut-être par respect, ou par peur, ou parce qu’il le savait innocent. Kendrick se rendrait lui-même vers sa nouvelle prison. Cependant, il ne céderait pas facilement. D’une façon ou d’une autre, il laverait son nom de tout soupçon, il serait libéré du cachot et il tuerait le meurtrier de son père. Même s’il s’agissait de son propre frère.




CHAPITRE TROIS


Son frère Godfrey à ses côtés, Gwendolyn se trouvait dans les entrailles du château et regardait fixement Steffen, qui se tenait debout et bougeait nerveusement en se tordant les mains. C’était un drôle de personnage, pas seulement à cause de sa difformité, son dos tordu et bossu, mais également parce qu’il semblait habité par une énergie nerveuse. Ses yeux avaient l'air d'être sans cesse en mouvement, ses mains serrées l’une contre l’autre comme s’il était rongé par le remord. Il se balançait d’un pied sur l’autre, fredonnant pour lui-même d’une voix grave. Gwen se dit que toutes ces années d’isolement ici-bas l’avaient clairement transformé en un étrange personnage.

Gwen attendait avec impatience qu’il s’ouvre, qu’il lui révèle ce qui était arrivé à son père. Cependant, les secondes devinrent des minutes, la sueur s’accumula dans les sourcils de Steffen, ses balancements devinrent plus spectaculaires mais rien ne vint. Il n’y avait qu’un silence pesant ponctué de ses fredonnements.

Gwen commençait à se liquéfier sous l’effet des feux rugissants trop proches en ce jour d’été. Elle souhaitait en finir avec tout ceci, quitter cet endroit et ne jamais y revenir. Elle scrutait Steffen en tentant de déchiffrer son expression, de découvrir ce qui se tramait dans son esprit. Il leur avait promis de leur révéler quelque chose mais était devenu silencieux. Alors qu’elle l’examinait, il semblait avoir changé d’avis. A l’évidence il avait peur, cachait quelque chose.

Steffen s’éclaircit enfin la gorge.

“Quelque chose est tombé dans la glissière cette nuit-là, je le reconnais”, commença-t-il en évitant tout contact direct des yeux, son regard errant sur le sol, “mais je ne suis pas sûr de ce que c’était. Quelque chose en métal. Nous avons pris le pot de chambre cette nuit-là et j’ai entendu quelque chose tomber dans la rivière. Quelque chose de différent. Donc”, dit-il en s’éclaircissant la gorge à plusieurs reprises tout en se tordant les mains, “vous voyez, quoique cela puisse être, cela a été emporté par le courant.”

“En es-tu sûr ?” demanda Godfrey.

Steffen approuva vigoureusement de la tГЄte.

Gwen et Godfrey Г©changГЁrent un regard.

“As-tu vu ce que c’était, au moins ?” insista Godfrey.

Steffen secoua la tГЄte.

“Cependant, tu as parlé d’un poignard. Comment sais-tu qu’il s’agissait d’un poignard si tu ne l’as pas vu ?” demanda Gwen. Elle était certaine qu’il mentait mais elle ne savait pas pourquoi.

Steffen se racla la gorge.

“J’ai dit ça parce que j’ai pensé qu’il s’agissait d’un poignard”, répondit-il. “C’était petit et en métal. Qu’est-ce que cela aurait pu être d’autre ?”

“Cependant, as-tu regardé au fond du pot ?” demanda Godfrey. “Après l’avoir vidé ? Peut-être que l'objet était encore au fond du pot.”

Steffen secoua la tГЄte.

“J’ai regardé au fond”, dit-il. “Je le fais toujours. Et il n’y avait rien. Vide. Quel que soit cet objet, il a été emporté. Je l’ai vu partir à la dérive.”

“Si c’était du métal, comment pouvait-il flotter ?” demanda Gwen.

Steffen se racla la gorge et haussa les Г©paules.

“La rivière est mystérieuse”, répondit-il. “Les courants sont puissants. ”

Gwen lança un regard sceptique vers Godfrey et son expression lui dit que lui non plus ne croyait pas Steffen.

Gwen commençait à perdre patience. A présent, elle était également déconcertée. Steffen était sur le point de leur révéler quelque chose comme il l’avait promis mais il semblait avoir soudainement changé d’avis.

Gwen fit un pas vers lui et le fusilla du regard, sentant que cet homme avait quelque chose à cacher. Elle prit son visage le plus dur et faisant cela, sentit la force de son père monter en elle. Elle était déterminée à découvrir ce qu’il savait, surtout si cela pouvait l’aider à trouver le meurtrier de son père.

“Tu mens !” dit-elle d’une voix glaciale, sa force la surprenant elle-même. “Sais-tu quel est le châtiment pour avoir menti à un membre de la famille royale ?”

Steffen se tordit les mains et bondit presque sur place, jetant briГЁvement un Е“il vers elle avant de dГ©tourner le regard.

“Je suis désolé”, dit-il. “Je suis désolé. S’il vous plaît, je n’en sais pas plus.”

“Tu nous as demandé si tu pourrais éviter la prison en nous révélant ce que tu sais”, dit-elle. “Cependant, tu ne nous as rien dit. Pourquoi poser une telle question si tu n’as rien à nous dire ?”

Steffen se passa la langue sur les lГЁvres tout en gardant le regard vers le sol.

“Je… Je… hum”, commença-t-il avant de s’arrêter. Il s’éclaircit la gorge. “J’avais peur … d’avoir des ennuis pour n’avoir pas raconté qu’un objet était tombé de la glissière. C’est tout. Je suis désolé. Je ne sais pas ce que c’était. Et maintenant, il a disparu.”

Gwen plissa les yeux, fixa cet Г©trange personnage en essayant de percer son mystГЁre.

“Qu’est-il exactement arrivé à ton maître ?” demanda-t-elle pour ne pas le laisser s’en tirer aussi facilement. “On nous a dit qu’il avait disparu. Et que tu as quelque chose à voir avec sa disparition.”

Steffen secoua la tГЄte Г  plusieurs reprises.

“Il est parti”, répondit Steffen. “C’est tout ce que je sais. Je suis désolé. Je ne sais rien d’utile pour vous.”

Soudain, un vacarme retentissant traversa la pièce et ils se retournèrent pour voir des déchets dévaler la chute et s’écraser dans le gros pot de chambre. Steffen se retourna et courut vers le pot. Il se mit à côté et le regarda se remplir avec les déchets des chambres supérieures.

Gwen se retourna vers Godfrey et le regarda. Ce dernier lui rendit son regard. Il semblait tout aussi déconcerté qu’elle.

“Quoi qu’il cache”, dit-elle, “il ne le révélera pas.”

“Nous pourrions le faire emprisonner”, déclara Godfrey. “ Ça le ferait peut-être parler.”

Gwen secoua la tГЄte.

“Ça ne marchera pas. Pas avec lui. Il est terrorisé, ça se voit. Je pense que c'est en lien avec son maître. A l’évidence, quelque chose le tourmente mais je ne pense pas que cela ait un lien avec la mort de notre père. Je pense qu’il sait quelque chose qui pourrait nous être utile mais j’ai l’impression que nous n’obtiendrons rien en l’acculant.”

“Qu’allons-nous faire, alors ?” demanda Godfrey.

Gwen resta plantée là, pensive. Elle se souvint d’une amie, lorsqu’elle était petite, qu'on avait surprise à mentir. Elle se souvint que ses parents avaient fait tout leur possible pour la forcer à parler, mais sans résultat. Ce n’était que des semaines plus tard, lorsqu’on l’avait enfin laissée tranquille, qu’elle avait volontairement décidé d’en parler et de tout raconter. Gwen percevait que la même énergie émanait de Steffen. L’acculer ne ferait que le pousser à se refermer sur lui-même. Il avait besoin d’espace pour se confesser selon son bon gré.

“Laissons-lui du temps”, décida-t-elle. “Cherchons ailleurs. Voyons ce que nous pouvons trouver et revenons vers lui lorsque nous aurons plus d’éléments. Je pense qu’il finira par parler mais qu'il n’est pas encore prêt.”

Gwen se retourna vers lui et le regarda, de l’autre côté de la pièce, tout absorbé par l’examen les déchets remplissant le chaudron. Elle était persuadée qu’il les mènerait au meurtrier de leur père. Elle ne savait pas comment mais elle en était sûre. Elle se demanda quels secrets renfermaient les méandres de son esprit.

Gwen pensa que c’était décidément un étrange personnage. Très étrange, en effet.




CHAPITRE QUATRE


Thor chercha à respirer tout en essayant de repousser l’eau qui tentait de pénétrer dans ses yeux, son nez et sa bouche et qui s’abattait en trombes tout autour de lui. Après avoir glissé sur le bateau, il avait finalement réussi à s’accrocher à la balustrade en bois et il s’y agrippait de toutes ses forces tandis que l’eau cherchait implacablement à le faire lâcher. Tous ses muscles tremblaient et il ne savait pas combien de temps il pourrait encore tenir.

Tout autour de lui, ses frères faisaient de même et se cramponnaient de toutes leurs forces à ce qu’ils pouvaient trouver pour éviter d’être emportés par les eaux. D’une façon ou d’une autre, ils y arrivèrent.

Le bruit était assourdissant et il était impossible de voir au-delà de quelques mètres devant soi. Ils avaient beau être en été, la pluie était particulièrement froide et l’eau le transperça d’un frisson que son corps ne put réprimer. Kolk était debout parmi eux, les fusillant du regard, les mains sur les hanches. En apparence imperméable au mur de pluie, il aboyait des ordres.

“RETOURNEZ A VOS PLACES !” hurla-t-il. “RAMEZ !”

Kolk lui-même prit place et commença à ramer. En quelques instants, les garçons glissèrent et rampèrent sur le pont en direction des bancs. Le cœur de Thor martelait dans sa poitrine lorsqu’il lâcha prise et se débattit pour traverser le pont. A l’intérieur de sa chemise, Krohn gémit lorsque Thor glissa et s’écrasa lourdement sur le pont.

Il rampa le reste de la distance et se retrouva bientГґt Г  sa place.

“ATTACHE-TOI !” hurla Kolk.

Thor baissa les yeux, vit les cordes à nœuds qui se trouvaient derrière son banc et comprit alors quelle pouvait être leur utilité : il se baissa et s'en attacha une au poignet, s’arrimant au banc et à la rame.

Cela fonctionna. Il arrГЄta de glisser et put rapidement ramer Г  nouveau.

Tout autour de lui, les garçons reprenaient les rames. Reece prit place en face de Thor, qui sentit que le bateau recommençait à se déplacer. En quelques minutes, le rideau de pluie s'éclaircit devant eux.

Thor continua de ramer, la peau encore brûlante de cette étrange pluie et le moindre muscle de son corps endolori. Le bruit de la pluie s’estompa et Thor commença à sentir que la pluie devenait plus légère. En quelques instants, ils se retrouvèrent sous un ciel bleu.

Thor regarda autour de lui, abasourdi : tout était sec et lumineux. C’était la chose la plus étrange qu’il ait jamais vue : la moitié du bateau se trouvait sous un soleil radieux et éclatant tandis que l’autre moitié subissait un déluge pendant qu'ils achevaient leur traversée du mur de pluie.

Enfin, tout le bateau se retrouva sous un beau ciel bleu et sous un soleil qui les assommait de sa chaleur. Tout était silencieux, à présent. Le mur de pluie avait rapidement disparu et tous ses frères d’armes se regardaient les uns les autres, stupéfaits. C’était comme s’ils avaient traversé un rideau pour pénétrer dans un autre monde.

“REPOS ! ” cria Kolk.

Tout autour de Thor, les garçons abandonnèrent leurs rames avec un grognement collectif de soulagement, haletants, cherchant à reprendre leur souffle. Thor fit de même, sentant chacun de ses muscles trembler, soulagé de pouvoir faire une pause. Tandis que le bateau dérivait sur ces nouvelles eaux, il se laissa aller en cherchant à reprendre son souffle et en essayant de détendre ses muscles endoloris.

Thor se ressaisit enfin et se redressa pour regarder autour de lui. Il baissa les yeux vers l’eau et vit qu’elle avait changé de couleur : elle était à présent d’une couleur rouge légèrement brillante. Ils se trouvaient maintenant sur une nouvelle mer.

“La Mer des Dragons”, déclara Reece derrière lui tout en regardant la mer, émerveillé. “On dit qu’elle est rouge du sang de ses victimes.”

Thor continuait à regarder. A certains endroits, on voyait des bulles et, au loin, d’étranges bêtes venaient faire surface avant de replonger. Aucune d’entre elles ne s’attardait suffisamment longtemps pour qu’il puisse bien les observer mais il n’avait pas du tout envie d’essayer de se pencher pour mieux voir.

Thor se retourna et prit la mesure de son nouvel environnement, désorienté. Ici, de ce côté du mur de pluie, tout semblait tellement différent, tellement étranger. Il flottait même une sorte de brume rouge légère dans l'air, au ras de l’eau. Scrutant l’horizon, il remarqua une douzaine de petites îles éparpillées comme des pierres à l’horizon.

Une forte brise se leva et Kolk s’avança en aboyant :

“HISSEZ LES VOILES !”

Thor passa brusquement à l’action avec les autres garçons. Il attrapa les cordes et hissa les voiles pour profiter de la brise. Les voiles se déployèrent et une bourrasque de vent les gonfla. Thor sentit le bateau se déplacer à une vitesse surprenante et ils mirent cap sur les îles. Le bateau naviguait gentiment sur de grosses vagues déferlantes qui surgissaient de nulle part.

Thor se fraya un passage jusqu’à la proue, s’accouda à la balustrade et regarda les alentours. Reece le rejoignit et O’Connor fit de même. Ils se tenaient côte à côte et Thor regarda la chaîne d’îles qui se rapprochait rapidement. Ils restèrent ainsi, silencieux, pendant de longs moments. Thor savourait avec délectation les brises humides tandis que son corps se détendait.

Finalement, Thor comprit qu’ils se dirigeaient vers une île en particulier. Elle devint de plus en plus grande et un frisson parcourut Thor lorsqu’il comprit que c'était leur destination.

“L’Île des Brumes”, laissa échapper Reece, admiratif.

Thor était ébahi. Sa forme se fit plus nette. Elle était rocheuse, escarpée et nue. Elle s’étendait sur plusieurs kilomètres dans chaque direction, longue et étroite, en forme de fer à cheval. Les grosses vagues qui venaient s’écraser sur ses rivages grondaient malgré la distance et formaient de grands jets d’écume en s’écrasant sur les énormes rochers. Une minuscule bande de terre se trouvait derrière les rochers, au pied d’une gigantesque falaise qui se dressait droit vers le ciel. Thor ne voyait pas bien comment leur bateau pourrait accoster en sécurité.

Venant renforcer l’étrangeté de l’endroit, une brume rougeâtre flottait sur l’île comme une sorte de rosée luisant dans la lumière du soleil. Cela donnait une impression de mauvais augure. Thor sentait que quelque chose d'inhumain et de surnaturel hantait cet endroit.

“On dit que cet endroit est vieux de plusieurs millions d’années”, ajouta O’Connor. “Cet endroit serait plus vieux que l’Anneau. Plus vieux même que l’Empire.”

“Cet endroit appartient aux dragons”, renchérit Elden en rejoignant Reece.

Alors que Thor observait l’île, le second soleil disparut soudain du ciel. Subitement, le jour ensoleillé et radieux devint coucher de soleil et le ciel se para de couleurs rouges et violacées. Thor n’arrivait pas à y croire : il n’avait jamais vu le soleil se déplacer aussi rapidement. Il se demanda quelles autres choses pouvaient encore être différentes dans cette partie du monde.

“Est-ce qu’un dragon vit sur cette île ?” demanda Thor.

Elden secoua la tГЄte.

“Non. J’ai entendu dire qu’il n’habite pas loin. On dit que la brume rouge naît du souffle du dragon. Il respire la nuit sur une île voisine et c’est le vent qui la transporte et enveloppe l’île durant le jour.”

Thor entendit soudain un bruit. Au début, on aurait dit un grondement, comme de l’orage, suffisamment long et puissant pour faire trembler le bateau. Encore caché dans sa chemise, Krohn se ratatina et gémit.

Comme Thor, les autres se retournèrent et regardèrent au loin. Quelque part à l’horizon, il lui sembla apercevoir le contour incertain de flammes qui léchèrent le soleil couchant puis disparurent en laissant place à une fumée noire comme celle d’un volcan en éruption.

“Le Dragon”, dit Reece. “Nous sommes sur son territoire, à présent.”

Thor dГ©glutit, pensif.

“Mais comment pouvons-nous être en sécurité ici ?” demanda O’Connor.

“Vous n’êtes en sécurité nulle part”, répondit une voix retentissante.

Thor se retourna et découvrit Kolk qui, debout et les mains sur les hanches, regardait l’horizon par-dessus leurs épaules.

“C’est l’engagement des Cent Jours : vivre avec le risque de périr chaque jour qui passe. Ceci n’est pas un exercice. Le dragon vit tout près d’ici et rien ne pourra l’empêcher d’attaquer. Normalement, il ne devrait pas nous attaquer car il garde jalousement son trésor sur son île et les dragons n’aiment pas laisser leur trésor sans surveillance. Cependant, vous entendrez ses grondements et verrez ses flammes la nuit. Et si nous l’irritons d’une quelconque façon, je ne peux vous garantir ce qu’il adviendra de nous.”

Thor entendit un autre grondement sourd, aperçut un nouvel embrasement à l’horizon et observa les vagues s’écraser sur l’île tandis qu’ils s’approchaient de l’île. Il leva les yeux vers les falaises abruptes, qui étaient un véritable mur de roches, et se demanda comment ils allaient faire pour atteindre le sommet et rejoindre la partie plate et aride.

“Le problème, c'est que je ne vois aucun lieu où accoster avec le bateau”, dit Thor.

“Ce serait trop facile”, répondit Kolk.

“Dans ce cas, comment allons-nous prendre pied sur l’île ?” questionna O’Connor.

Kolk fit un sourire machiavГ©lique.

“Tu sais nager”, dit-il.

L’espace d’un instant, Thor se demanda s’il plaisantait, mais, d’après son expression, il comprit rapidement que tel n’était pas le cas. Thor déglutit.

“A la nage ?” répondit en écho Reece, abasourdi.

“Ces eaux grouillent de créatures !” s’écria Elden.

“Oh, c'est le cadet de vos soucis !” continua Kolk. “Les courants ici sont traîtres, ces tourbillons vous aspireront, ces vagues vous écraseront sur ces rochers escarpés, l’eau est chaude et, si vous parvenez à ces rochers, il vous faudra trouver un moyen d’escalader ces falaises afin d’atteindre la terre aride. Si les créatures de la mer ne vous attrapent pas avant, bien sûr. Bienvenue dans votre nouvelle maison.”

Thor se tint là, parmi les autres, comme pétrifié, accoudé à la balustrade et regardant les eaux écumeuses en dessous de lui. L’eau tourbillonnait sous ses yeux comme un être vivant. Le courant s’intensifiait à chaque instant en agitant le bateau. Il était difficile de garder son équilibre. En dessous, les eaux s’agitaient, remuaient ce rouge brillant qui semblait renfermer le sang de l’enfer même et, pire que tout, en y regardant de plus près, Thor se rendit compte que des monstres des mers faisaient surface tous les quelques mètres en faisant claquer leurs dents avant de replonger.

Leur bateau jeta soudainement l’ancre très loin du rivage et Thor eut du mal à avaler sa salive. Il leva les yeux vers les rochers qui encerclaient l’île et se demanda comment ils pourraient bien faire pour les atteindre. Le bruit des vagues se renforça et les força à crier pour se faire comprendre.

Quelques petites barques furent mises à l’eau et les commandants les emmenèrent à bonne distance du navire, à une trentaine de mètres du bateau. Cela ne leur faciliterait pas la tâche : il leur faudrait nager pour les atteindre.

Rien qu’à cette pensée, le ventre de Thor se noua.

“SAUTEZ !” cria Kolk.

Pour la première fois, Thor eut peur. Il se demanda si cela le diminuait en tant que membre de la Légion, en tant que guerrier. Il savait bien que les guerriers ne devaient jamais se laisser gagner par la peur mais il lui fallut reconnaître que, là, il avait vraiment peur. Il détestait ça et souhaitait de tout cœur qu’il puisse en être autrement. Pourtant, il était terrifié.

En regardant autour de lui, Thor vit les visages horrifiés des autres garçons et se sentit mieux. Tout autour de lui, les garçons se pressaient à la balustrade en fixant les eaux, figés par la peur. Un garçon en particulier semblait tellement terrifié qu’il en tremblait. Il s’agissait du garçon du jour des boucliers, celui qui avait eu peur et que l’on avait forcé à faire des tours de piste.

Kolk dut s’en rendre compte car il traversa le bateau en se dirigeant droit sur lui. Kolk ne semblait pas dérangé par le vent puissant qui repoussait ses cheveux en arrière. Ses grimaces lui donnaient l’air d’être prêt à conquérir la terre entière. Il arriva droit sur le garçon et le transperça du regard.

“SAUTE !” hurla Kolk.

“Non !” répondit le garçon. “Je ne peux pas ! Je ne le ferai pas ! Je ne sais pas nager ! Ramenez-moi chez moi !”

Alors que le garçon commençait à s’écarter de la balustrade, Kolk l’attrapa par le dos de la chemise et le souleva haut au-dessus du pont.

“Alors, il va falloir apprendre à nager !” gronda Kolk et, au grand désarroi de Thor, il lança le pauvre garçon par-dessus bord.

Le garçon vola dans les airs en hurlant et se retrouva dans l’eau écumeuse cinq mètres plus bas. Il fit un gros plat, flotta à la surface en se débattant et en cherchant de l’air.

“A L’AIDE !” hurla-t-il.

“Quelle est la première loi de la Légion ?” hurla Kolk en se tournant vers les autres garçons qui étaient encore à bord du bateau sans tenir compte du garçon qui se débattait dans l’eau.

Thor connaissait vaguement la bonne réponse mais il était trop distrait par la vue du garçon qui était en train de se noyer sous ses yeux pour répondre.

“Il faut aider un membre de la Légion qui est dans le besoin !” cria Elden en retour.

“Et est-il dans le besoin ?” cria Kolk en montrant le garçon du doigt.

Ce dernier levait les bras, émergeant de temps à autre hors de l’eau tandis que le reste des garçons l’observait depuis le pont, trop effrayés pour plonger à son secours.

A cet instant, Thor ressentit quelque chose de bizarre. Quand il se concentra sur le garçon qui était en train de se noyer, soudain, plus rien n’eut d’importance. Thor cessa de penser à sa propre personne. Le fait qu’il puisse mourir ne traversa pas son esprit. La mer, les monstres, les courants … tout disparut. Il ne pouvait plus penser qu'à secourir cette personne.

Thor se mit debout sur la large balustrade de chêne, plia les genoux et, sans réfléchir, il plongea haut en l'air, fonçant la tête la première vers les eaux rouges bouillonnantes.




CHAPITRE CINQ


Gareth était assis sur le trône de son père dans la grande salle du château. Il passait les mains sur les bras en bois lisse du trône et regardait la scène qui se déroulait sous ses yeux. Des milliers de ses sujets s’étaient rassemblés dans la salle. Les gens affluaient de tous les coins de l’Anneau pour être témoins de cet événement unique, pour voir s’il serait à même de lever l’Épée de la Dynastie. Pour voir s’il était l’Élu. Le peuple n’avait pas eu l’occasion d’assister à une cérémonie de levage d’épée depuis celle de son père lorsqu’il était jeune, et personne ne voulait rater cela. L’excitation était palpable.

Gareth était lui-même engourdi d’impatience. En voyant la salle se remplir et de plus en plus de personnes s’amasser à l’intérieur, il commença à se demander si les conseillers de son père avaient eu raison, si c'était effectivement une mauvaise idée que le levage de l’épée se tienne dans la grande salle du château et soit ouvert au public. Ils lui avaient vivement conseillé qu'il ait lieu dans la petite Chambre de l’Épée, une salle privée. Ils avaient avancé qu’en cas d’échec il y aurait alors peu de témoins. Cependant, Gareth ne faisait pas confiance aux serviteurs de son père. Il avait plus confiance en son propre destin que la vieille garde de son père et il souhaitait que le royaume entier soit témoin de sa réussite, que tout le monde voit de ses propres yeux que c’était lui l’Élu. Il voulait que ce moment soit inscrit dans l’histoire. Le moment où son destin s’ouvrirait à lui.

Gareth pénétra dans la salle avec élégance, se pavanant au milieu de ses conseillers, vêtu de sa couronne et de sa cape et brandissant son sceptre. Il voulait que chacun sache que le vrai Roi, le vrai MacGil, c'était lui, pas son père. Comme il s’y attendait, cela ne lui avait pas pris longtemps pour se sentir chez lui dans ce château, pour qu’il sente que les sujets lui appartenaient. Il voulait à présent que le peuple le ressente aussi, qu’il soit témoin de cette démonstration de pouvoir. Après ce jour, ils sauraient tous qu’il était leur seul et unique roi.

Cependant, maintenant, Gareth se tenait assis seul sur le trône en regardant les deux reposoirs en fer vides au centre de la salle, éclairés par un rayon de soleil descendant du plafond. L'épée y serait déposée plus tard et Gareth n’était plus très sûr de lui. L’importance de ce qu’il s’apprêtait à faire l'accablait soudain. Ce serait une étape irréversible, il n’y aurait pas de retour en arrière possible et que se passerait-il s'il échouait effectivement ? Il s'efforça de ne plus y penser.

A l’extrémité de la salle, la lourde porte s’ouvrit avec un craquement et un silence enthousiaste s’abattit sur la salle impatiente. Douze des hommes les plus forts de la cour s’avancèrent en pliant sous le poids de la lourde épée qu’ils portaient. Six hommes se trouvaient de chaque côté et ils marchaient lentement, pas à pas, vers le lieu où reposerait l’épée.

Le cœur de Gareth battait plus vite au fur et à mesure que l’épée se rapprochait. L’espace d’un court instant, sa confiance vacilla : si ces douze hommes, les plus forts qu’il ait jamais vus, pouvaient à peine soutenir le poids de l’épée, alors, quelles étaient ses chances ? Néanmoins, il tenta de repousser cette idée. Après tout, soulever l’épée était une question de destinée, pas de force. Il s'obligea à se souvenir que son destin était de se trouver ici en ce jour, qu’il était l’aîné des MacGil, qu’il devait être Roi. Il rechercha Argon dans la foule car il ressentit soudainement le besoin de prendre conseil auprès de ce dernier. C’était vraiment le moment où il aurait eu besoin de lui. Bizarrement, il n’arrivait pas penser à personne d’autre. Argon resta évidemment introuvable.

Les douze hommes atteignirent finalement le centre de la salle. Portant l’épée dans les rayons de soleil, ils la placèrent sur les reposoirs en fer. Elle retomba avec un bruit retentissant et le son se répercuta dans toute la salle. Un silence total s’installa.

La foule dГ©gagea instinctivement une voie pour que Gareth vienne soulever l'Г©pГ©e.

Gareth se leva lentement de son trône, savourant l’instant, aimant être le centre de toute cette attention. Il sentait les regards se porter sur lui. Il savait qu’un moment comme celui-là, un moment où le royaume entier aurait le regard tourné vers lui d’une façon aussi intense et profonde, à détailler le moindre de ses gestes, ne se représenterait pas. Il s’était imaginé cet instant tellement souvent depuis sa plus tendre enfance, et voici qu’il était enfin venu. Il voulait que les choses se déroulent lentement.

Il descendit les marches du trône, une à une, savourant chaque pas. Il marcha sur le tapis rouge, savourant le moelleux sous ses pieds, se rapprochant petit à petit de la tache de lumière, de plus en plus près de l’épée. En marchant ainsi, il eut l’impression d’être dans un rêve. Il se sentit séparé de son corps. Une partie de lui avait l’impression d’avoir marché sur ce tapis des millions de fois dans ses rêves pour lever l’épée. Cela lui donna l’impression de n’avoir d’autre choix que de lever l’épée, qu’il était en train de marcher vers sa destinée.

Il entrevit comment cela allait se dérouler : il s’avancerait fièrement, tendrait une main et ses sujets se courberaient lorsqu’il brandirait soudainement et de façon spectaculaire son épée au-dessus de sa tête. Cela leur couperait le souffle et ils tomberaient face contre terre en le reconnaissant comme l’Élu, le plus important des rois MacGil ayant jamais régné, celui qui régnerait pour toujours. Tout le monde en pleurerait de joie. Ils trembleraient de peur devant lui. Ils remercieraient Dieu d’avoir eu la chance de vivre à cette époque et d’avoir été témoins de cet événement. Ils le vénéreraient comme un dieu.

Gareth s’approcha de l’épée. Maintenant, il n’était plus qu’à quelques pas et se sentait frissonner intérieurement. En pénétrant dans le cercle de lumière et bien qu’ayant déjà vu l’épée à maintes reprises, il fut frappé par sa beauté. Il n’avait jamais été autorisé à s’en approcher aussi près avant ce jour et il fut stupéfait. C'était un moment intense. Elle était faite d’une longue lame étincelante et d’un matériau impossible à identifier. Gareth n’avait jamais vu de poignée aussi travaillée. Incrustée de joyaux de toutes sortes et portant le blason du faucon, elle était protégée par un tissu semblable à de la soie. Il se rapprocha d’un pas et se pencha au-dessus. Il sentit la puissante énergie qui en émanait. L’épée semblait vibrer. Il avait peine à  respirer. Dans un instant, il la tiendrait dans la main. Bien haut au-dessus de sa tête. Étincelante dans la lumière du jour pour que le monde entier le voie.

Lui, Gareth, Le Grand.

Gareth s’approcha et plaça la main droite sur la poignée. Il referma lentement les doigts dessus, sentit le moindre joyau, le moindre relief lorsqu’il s’en saisit, électrifié. Une énergie intense lui irradia la paume, lui remonta dans le bras et lui parcourut le corps. C’était tellement différent de ce qu’il s’était toujours imaginé. Son moment était enfin venu. Le meilleur moment de sa vie.

Gareth ne voulait courir aucun risque : il se baissa et referma Г©galement son autre main sur la poignГ©e. Il ferma les yeux et respira profondГ©ment.

Si les dieux le veulent, laissez-moi lever cette Г©pГ©e. Envoyez-moi un signe. Montrez-moi que je suis le Roi. Montrez-moi que ma destinГ©e est de rГ©gner.

Gareth pria en silence, attendant une réponse, un signe indiquant l’instant parfait, mais les secondes défilèrent, une bonne dizaine, pendant que le royaume entier l’observait, les yeux braqués sur lui.

Puis, soudain, il vit le visage de son pГЁre qui le fixait lui aussi.

Sous l’effet de la terreur, Gareth ouvrit les yeux, cherchant à chasser cette image de son esprit. Son cœur se mit à battre plus vite et il interpréta cela comme un très mauvais présage.

C’était maintenant ou jamais.

Gareth se pencha et, de toute sa volonté, il tenta de soulever l’épée. Il lutta de toutes ses forces jusqu’à ce que son corps en tremble et se torde.

Cependant, l’épée n’avait pas bougé. C’était comme tenter de faire bouger les fondements de la terre.

Gareth s’acharna encore et encore. Finalement il se mit à gémir et à crier.

Puis, quelques instants plus tard, il se laissa tomber au sol.

La lame n’avait pas bougé d’un pouce.

Un sursaut parcourut l’assistance quand il heurta le sol. Quelques conseillers se précipitèrent pour l’aider et voir s’il allait bien mais il les repoussa violemment. Extrêmement gêné, il se redressa et se remit sur ses deux pieds.

Gareth, humiliГ©, regarda ses sujets, cherchant Г  savoir comment ils allaient le considГ©rer Г  prГ©sent.

Ils avaient déjà commencé à partir, se hâtant de quitter la salle. Gareth voyait la déception qui se lisait sur leur visage, voyait qu'il n'était qu'un spectacle décevant de plus pour eux. Maintenant, ils savaient tous qu’il n’était pas leur vrai roi. Ce n’était pas lui le MacGil censé régner. Il n’était rien. Seulement un prince ordinaire qui avait usurpé le trône.

Gareth se sentit dévoré par la honte. Il ne s’était jamais senti aussi seul de sa vie. Tout ce qu’il s’était imaginé depuis son enfance n’était qu’un tissu de mensonges. Une illusion. Il avait cru à sa propre fable.

Et cela l’avait brisé.




CHAPITRE SIX


Gareth faisait les cent pas dans sa chambre, l’esprit en ébullition, encore sous le choc de son échec. Il n'avait pas réussi à lever l’épée et essayait d’envisager quelles pourraient en être les conséquences. Il se sentait engourdi. Il n’en revenait pas d’avoir été aussi bête, d’avoir essayé de lever l’épée, l’Épée de la Dynastie, qu’aucun MacGil n’avait été capable de lever depuis sept générations. Pourquoi en était-il venu à penser qu’il serait meilleur que ses ancêtres ? Pourquoi avait-il pensé être différent ?

Il aurait dû le savoir. Il aurait dû être plus prudent et n’aurait jamais dû se surestimer. Il aurait simplement dû se satisfaire du trône de son père. Pourquoi avait-il voulu en avoir plus ?

A présent, tous ses sujets savaient qu’il n’était pas l’Élu. Son règne serait désormais entaché par cela; maintenant, ils auraient peut-être même encore plus de raisons de le suspecter de la mort de son père. Il se rendait bien compte que les gens le regardaient déjà d’une façon différente, comme s’il n’était qu’un spectre, comme s’ils se préparaient déjà à la venue du prochain roi.

Pire que ça, pour la première fois de sa vie, Gareth n’était pas sûr de lui. Toute sa vie, il avait toujours vu son destin de façon claire. Il était persuadé que son rôle était de prendre la place de son père, de régner et de lever l’épée. Sa confiance venait d’être ébranlée jusqu’à la moelle. A présent, il n’était plus sûr de rien.

Et le pire de tout ça, c’était qu’il ne pouvait oublier la vision du visage de son père qu'il avait eue juste avant d'essayer de lever l’épée. S’agissait-il de sa vengeance ?

“Bravo !” dit lentement une voix sarcastique.

Gareth se retourna, surpris de ne pas être seul dans sa chambre. Il reconnut instantanément la voix, une voix qui était devenue trop familière au fil des ans et qu’il avait fini par mépriser. Il s’agissait de la voix de sa femme.

HГ©lГ©na.

La voilà qui se tenait dans un coin de la pièce, qui l’observait tout en fumant sa pipe d’opium. Elle inspira profondément, retint son souffle et laissa lentement s’échapper la fumée. Ses yeux étaient injectés de sang et il se rendit compte qu’elle fumait depuis trop longtemps.

“Que fais-tu là ?” demanda-t-il.

“C’est ma chambre nuptiale, après tout !” répondit-elle. “Je peux faire tout ce que je veux, ici. Je suis à la fois ta femme et ta reine. Ne l’oublie pas. Je règne sur ce royaume autant que toi. Et après ta débâcle d’aujourd’hui, je pense qu'il faut utiliser le terme régner de façon très large.”

Le visage de Gareth s’empourpra. Héléna avait le don de l’attaquer de la façon la plus basse possible et aux moments les plus inopportuns. Il la méprisait plus que n’importe quelle autre femme qu’il ait jamais rencontrée. Il avait peine à concevoir qu’il avait un jour accepté de l’épouser.

“Vraiment ?” cracha Gareth en se retournant et en marchant droit vers elle, furieux. “Tu sembles oublier que je suis ton Roi, espèce de gueuse, et que je pourrais te faire jeter en prison tout comme n’importe qui d’autre dans mon royaume. Que tu sois ma femme n'y change rien.”

Elle lui rit au nez, en reniflant de façon cynique.

“Et alors ?” lâcha-t-elle. “Tes nouveaux sujets se posent-ils des questions sur ta sexualité ? Non, j’en doute très fortement. Pas dans le monde machiavélique de Gareth. Pas dans l’esprit de l’homme qui se soucie plus que quiconque de la façon dont les gens le perçoivent.”

Gareth s’arrêta devant elle, comprenant qu’elle voyait en lui d’une façon qu’il n’aimait pas. Il prit conscience de la menace qu'elle représentait et comprit que se battre avec elle n’arrangerait rien. Il resta donc ainsi, sans rien dire, les poings serrés.

“Que veux-tu ?” demanda-t-il lentement en essayant de se contrôler pour ne rien faire d’irréfléchi. “Tu ne viens jamais me voir que quand tu as besoin de quelque chose.”

Elle eut un rire moqueur et sec.

“Je prendrai ce dont j’ai envie. Je ne suis pas venue te demander quoi que ce soit, mais plutôt pour te dire quelque chose : ton royaume entier vient d’être témoin de ton échec à lever l’épée. Où cela nous mène-t-il ?”

“Qu’entends-tu par nous ?” questionna-t-il en se demandant où elle voulait en venir.

“Ton peuple sait désormais ce que j’ai toujours su : que tu es un raté. Que tu n’es pas l’Élu. Félicitations. Au moins, c’est officiel, maintenant.”

Il la fusilla du regard.

“Mon père n’a pas non plus réussi à lever l’épée. Cela ne l’a pas empêché de régner efficacement en tant que Roi.”

“Cependant, son règne en a été affecté”, cracha-t-elle. “Tout du long.”

“Si tu n’es pas contente de mes incapacités”, fulmina Gareth, “pourquoi ne pars-tu pas de cet endroit ? Laisse-moi ! Arrête de te moquer de notre mariage. Je suis le Roi, désormais. Je n’ai plus besoin de toi.”

“Je suis contente que tu abordes ce point”, dit-elle, “car il s’agit précisément de la raison de ma venue. Je veux officiellement mettre fin à notre mariage. Je veux divorcer. J’aime un autre homme. Un vrai homme. Un de tes chevaliers, pour tout dire. C’est un guerrier, lui. Nous nous aimons d'un amour vrai. A l’inverse de tout ce que j’ai pu connaître jusqu’à présent. Divorçons pour que je puisse arrêter de me cacher. Je veux que notre amour soit rendu public et je veux l’épouser.”

Gareth la regarda, choqué, vidé, comme si l’on venait de lui enfoncer un poignard dans la poitrine. Pourquoi fallait-il que Héléna fasse ces révélations ? Pourquoi maintenant plutôt qu’à un autre moment ? C’en était trop pour lui. Il avait l'impression que le monde lui donnait des coups de pied pendant qu'il était à terre.

Malgré lui, Gareth fut surpris de réaliser qu’il éprouvait des sentiments profonds envers Héléna car entendre ces mots, l’entendre demander le divorce lui porta un coup. Il en fut bouleversé. A contrecœur, il comprit qu’il ne voulait pas divorcer. Si encore cela venait de lui, mais cela venait d’elle ! Il ne voulait pas qu’elle obtienne ce qu'elle voulait aussi facilement.

Et par-dessus tout, il se demandait quelles consГ©quences un divorce pourrait avoir sur son rГЁgne. Un Roi divorcГ©, cela soulГЁverait trop de questions. Et malgrГ© lui, il se sentait jaloux de ce chevalier. Qu'elle lui agite son manque de masculinitГ© sous le nez le rendait amer. Il voulait se venger. D'elle et de lui.

“Tu ne l’obtiendras pas”, cracha-t-il. “Tu es liée à moi. Tu seras ma femme pour toujours. Tu ne seras jamais libre. Et si jamais je croise ce chevalier avec qui tu me trompes, je le ferai torturer et exécuter.”

HГ©lГ©na lui adressa un grognement.

“Je ne suis pas ta femme ! Tu n’es pas mon mari. Tu n’es même pas un homme. Notre union est un péché. Et cela l’a toujours été depuis le jour où il en a été décidé ainsi. Il ne s’agissait que d’un arrangement pour le pouvoir. Cette chose me dégoûte, m'a toujours dégoûtée et a ruiné ma seule chance d’être un jour mariée pour de vrai.”

Elle inspira. Elle Г©tait de plus en plus furieuse.

“Tu m’accorderas le divorce ou je révélerai au royaume entier le genre d’homme que tu es. A toi de voir.”

Sur ce, HГ©lГ©na lui tourna le dos, traversa la piГЁce et sortit par la porte ouverte sans prendre la peine de la refermer derriГЁre elle.

Gareth de retrouva seul dans la chambre. Il écouta l’écho de ses pas et sentit un frisson qu’il ne pouvait maîtriser envahir son corps. Y avait-il dans sa vie une seule chose de stable à laquelle il puisse se raccrocher ?

Gareth se tenait debout, en train de regarder la porte ouverte en tremblant, et il fut surpris de voir une autre personne pénétrer dans la chambre. A peine avait-il eu le temps de prendre la mesure de sa conversation avec Héléna, d’analyser toutes ses menaces, qu’un visage on ne peut plus familier se présentait dans l’encadrement de la porte. Firth. Le bruit régulier de ses pas cessa lorsqu’il entra dans la pièce, un air coupable sur le visage.

“Gareth ?” demanda-t-il d’une voix incertaine.

Firth le regardait les yeux écarquillés et Gareth put voir à quel point il se sentait mal à l’aise. Il avait bien raison de se sentir mal à l’aise, pensa Gareth. Après tout, c’était Firth qui l’avait encouragé à brandir l’épée, qui l’avait convaincu, qui l’avait amené à penser qu’il était plus que ce qu’il était vraiment. Sans les suggestions de Firth, qui sait ? Peut-être que Gareth n’aurait jamais tenté de lever l’épée.

Gareth se tourna vers lui, bouillonnant. Il venait de trouver en la personne de Firth un exutoire à toute sa colère. Après tout, c’était bien Firth qui avait tué son père. Pour commencer, c’était Firth, ce stupide garçon d’écurie, qui l’avait entraîné dans ce pétrin. Désormais, il n’était qu’un successeur raté de plus dans la lignée des MacGil.

“Je te hais”, bouillonna Gareth. “Où en sont tes promesses, à présent ? Es-tu encore persuadé que je vais réussir à lever l’épée ?”

Firth déglutit. Il avait l’air particulièrement nerveux. Il était sans voix. A l’évidence, il n’avait rien à dire.

“Je suis désolé, Monseigneur !” dit-il. “J’avais tort.”

“Tu t’es trompé sur beaucoup de choses !” cracha Gareth.

En effet, plus Gareth y pensait, plus il venait à réaliser à quel point Firth avait pu se tromper. En fait, sans Firth, son père serait toujours en vie aujourd’hui et Gareth ne se serait pas retrouvé dans un tel pétrin. Le poids de la royauté ne lui pèserait pas sur la tête, toutes les choses ne partiraient pas ainsi de travers. Gareth souhaitait retrouver les jours plus simples de l'époque où il n’était pas encore Roi, lorsque son père était encore en vie. Il eut brusquement envie de les faire tous revenir, de retrouver les choses telles qu’elles étaient, mais il ne pouvait pas, et c'était la faute de Firth.

“Que fais-tu ici ?” l’interrogea Gareth.

Firth s’éclaircit la gorge, visiblement très nerveux.

“J’ai entendu … des rumeurs … des serviteurs murmurer. Il est remonté jusqu’à moi que vos frères et sœurs se posent des questions. Ils ont été vus dans les quartiers des serviteurs. Ils s’intéressaient de près au vide-ordures et recherchaient l’arme du meurtre. Le poignard que j’ai utilisé pour tuer votre père.”

A ces mots Gareth se glaça. Il était figé par la peur et sous le choc. Est-ce que ce jour pouvait encore empirer ?

Il se racla la gorge.

“Et qu’ont-ils trouvé ?” demanda-t-il la gorge sèche, les mots peinant à sortir.

Firth secoua la tГЄte.

“Je ne sais pas, Monseigneur. Tout ce que je sais, c’est qu’ils suspectent quelque chose.”

Gareth sentit sa haine envers Firth s’accroître, une haine dont il ne se pensait pas capable. Si Firth n’avait pas été aussi bête, s’il s’était proprement débarrassé de l’arme, Gareth ne se serait pas retrouvé dans cette position. Firth le mettait dans une position vulnérable.

“Je ne le dirai qu’une fois”, dit Gareth en se rapprochant de Firth, se plantant devant lui avec le regard le plus mauvais dont il était capable. “Je ne veux plus jamais revoir ta tête. Tu m’entends ? Disparais et ne reviens jamais. Je vais t’envoyer loin d’ici. Et si jamais tu remets un jour les pieds entre les murs de ce château, sois sûr que je te ferai arrêter.

“A PRÉSENT, VA-T’EN !” s’époumona Gareth.

Fondant en larmes, Firth tourna les talons et partit en courant, le bruit de ses pas résonnant longtemps après qu’il eut disparu dans le couloir.

Les pensées de Gareth revinrent vers l’épée et son échec. Il ne pouvait se débarrasser de l'impression qu'il avait déclenché une terrible catastrophe à son encontre. Il avait la sensation de s’être jeté depuis le haut d’une falaise et qu’à partir de cette journée le reste de sa vie ne serait qu’une longue descente.

Il resta ainsi, ancré au sol en pierre dans l’implacable silence de la chambre de son père, à trembler et se demander ce qu’il avait bien pu déclencher. Il ne s’était jamais senti aussi seul, il n’avait jamais autant douté de lui-même.

Г‰tait-ce donc cela ГЄtre roi ?


*

Gareth se hâta dans l’escalier en colimaçon en pierre, enchaînant les étages, se dépêchant de rejoindre le parapet le plus élevé du château. Il avait besoin d’air. Il avait besoin de temps et d’espace pour réfléchir. Il avait besoin d’un point de vue sur son royaume, d'une chance d’apercevoir sa cour, son peuple et de se rappeler que tout cela lui appartenait. Malgré les événements cauchemardesques de la journée, il était encore roi.

Gareth avait congédié tous ses domestiques et gravissait seul les escaliers en respirant fort. Il s’arrêta à un étage, se courba et chercha à reprendre son souffle. Des larmes roulaient sur ses joues. A chaque étage, il avait l’impression de voir le visage de son père le fusiller du regard.

“Je te déteste !” cria-t-il dans le vide.

Il aurait jurГ© entendre un rire moqueur en retour. Le rire de son pГЁre.

Gareth avait besoin de s’échapper de cet endroit. Il tourna les talons et continua sa course jusqu’à ce qu'il finisse par atteindre le sommet. Il jaillit par la porte et la brise fraîche estivale lui frappa le visage.

Il inspira profondГ©ment tout en reprenant son souffle au soleil, savourant les chaudes brises. Il Гґta sa cape, celle de son pГЁre, et la jeta au sol. Il faisait trop chaud et il ne voulait plus avoir Г  la porter.

Il se précipita au bord du parapet et s’agrippa au mur de pierre en respirant bruyamment tout en observant sa cour en contrebas. Il voyait la foule immense sortir du château. Tous quittaient la cérémonie. Sa cérémonie. Il pouvait presque lire leur déception, même d’ici. Ils étaient tous si petits. Il ne cessait de s’émerveiller de tous les savoir sous son contrôle.

Cependant, pour combien de temps encore ?

“Les règnes sont de drôles de choses”, déclara une voix âgée.

Gareth se retourna et, à sa grande surprise, découvrit qu’Argon se tenait à quelques pas de lui, vêtu d’une cape blanche à capuche et appuyé sur son bâton. Il le regardait un sourire au coin des lèvres, mais ses yeux n’étaient point rieurs. Ils brillaient, le transperçaient et cela agaçait Gareth. Ses yeux en voyaient trop.

Il y avait tant de choses que Gareth aurait souhaité dire et demander à Argon. Cependant, à présent qu’il avait échoué avec l’épée, il n’arrivait plus à se souvenir d’une seule de ses questions.

“Pourquoi ne m’as-tu rien dit ?” implora Gareth d’une voix désespérée. “Tu aurais pu me dire que je n’étais pas destiné à la soulever. Tu aurais pu m’épargner toute cette honte.”

“Et pourquoi l'aurais-je fait ?” demanda Argon.

Gareth le fusilla du regard.

“Tu n’es pas un bon conseiller pour le Roi”, dit-il. “Tu aurais fidèlement conseillé mon père. Cependant, pas moi.”

“Peut-être méritait-il d’être justement conseillé”, répliqua Argon.

La colère de Gareth s’intensifia. Il détestait cet homme et il lui en voulait.

“Je ne veux plus de toi dans mon entourage”, dit Gareth. “Je ne sais pas pourquoi mon père t’a pris à son service mais je ne veux plus de toi à la Cour du Roi.”

Argon se mit Г  rire. Un son creux et effrayant sortit de sa gorge.

“Ton père ne m’a pas pris à son service, mon pauvre garçon !” déclara-t-il. “Pas plus que son père avant lui. Je suis censé être ici. Il en est ainsi. Ce serait même plutôt moi qui les aurais pris à mon service.”

Argon s’avança brusquement et le regarda comme s’il arrivait à lire l’âme de Gareth.

“Peux-tu en dire autant ?” demanda Argon. “Toi, es-tu censé être ici ?”

Ses mots touchèrent une corde sensible chez Gareth et le firent frissonner. C’était exactement le sujet sur lequel Gareth en était venu à se poser des questions. Gareth se demanda si c'était une menace.

“Celui qui règne par le sang gouvernera par le sang”, tonna Argon. Sur ces mots, il se retourna vivement et s’éloigna.

“Attends !” s’écria Gareth qui ne voulait soudain plus qu’il s’en aille tant il avait de questions. “Que veux-tu dire ?”

Gareth ne pouvait s’empêcher de penser qu’Argon essayait de lui faire passer un message, comme quoi son règne serait bref. Il avait désespérément besoin de savoir ce qu’il sous-entendait.

Gareth s’élança après lui mais, alors qu’il le rattrapait, Argon se volatilisa sous ses yeux.

Gareth se retourna, regarda autour de lui mais ne vit rien. Il entendit seulement un rire caverneux flotter dans l’air.

“Argon !” hurla Gareth.

Il se retourna de nouveau puis leva le regard vers les cieux, se laissa tomber Г  genoux et pencha la tГЄte en arriГЁre. Il se mit Г  hurler :

“ARGON !”




CHAPITRE SEPT


Erec marchait aux côtés du Duc, de Brandt et d’une douzaine de membres de l’entourage du Duc dans les rues tortueuses de Savaria. La foule s’épaississait à mesure qu’ils approchaient de la maison de la jeune domestique. Erec avait insisté pour la rencontrer dans les plus brefs délais et le Duc avait voulu les y mener personnellement. Et où le Duc allait, les gens suivaient. Erec regarda la foule sans cesse grandissante qui les entourait et se sentit gêné en comprenant qu’il se présenterait à la demeure de la jeune fille avec des dizaines de personnes sur les talons.

Depuis qu’il l’avait vue pour la première fois, Erec n’avait guère pu penser à autre chose. Qui était cette fille, se demandait-il, qui semblait si noble mais travaillait comme domestique à la cour du Duc ? Pourquoi l'avait-elle évité aussi promptement ? Après toutes ces années de fréquentation de femmes de sang royal, pourquoi était-ce la seule femme qui ait réussi à lui ravir son cœur ?

Ayant baigné dans la royauté toute sa vie, étant lui-même fils de roi, Erec savait détecter la royauté en un clin d’œil et, à l’instant où il l’avait aperçue, il avait su qu’elle était d’un rang bien plus élevé que le simple poste qu’elle occupait. Il était dévoré par la curiosité de savoir qui elle était, d’où elle venait et ce qu’elle faisait ici. Il voulait une autre occasion de pouvoir poser les yeux sur elle, de voir si tout cela n’était que le fruit de son imagination ou s’il ressentirait de nouveau la même chose.

“Mes domestiques m’ont dit qu’elle vivait à la périphérie de la ville”, expliqua le Duc tout en marchant. Alors qu’ils avançaient, les gens ouvraient leurs volets le long des rues et quelle n’était pas leur surprise de découvrir le Duc et son entourage dans les rues du peuple.

“Apparemment, il semblerait qu’elle soit la domestique d’un aubergiste. Personne ne connaît ses origines ni d’où elle vient. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’elle est arrivée dans notre ville un jour et qu’elle a signé un contrat avec cet aubergiste. Son passé semble être un mystère.”

Ils tournèrent dans une nouvelle rue. Les pavés devinrent plus inégaux sous leurs pas et les petits logements de plus en plus délabrés au fur et à mesure qu’ils progressaient. Le Duc s’éclaircit la gorge.

“Je fais parfois appel à elle en tant que domestique à ma cour lors d’événements spéciaux. Elle est discrète et posée. On en sait peu à son sujet. Erec”, dit finalement le Duc en se tournant vers lui et en lui posant une main sur le poignet, “es-tu sûr de ce que tu fais ? Qui qu’elle soit, cette femme n’est qu’une simple citoyenne. Tu pourrais avoir n’importe quelle femme du royaume.”

Erec lui retourna le mГЄme regard.

“Il faut que je la revoie. Peu m'importe qui elle est.”

Le Duc secoua la tête d'un air désapprobateur et ils poursuivirent leur marche, tournant dans les rues, traversant des allées étroites et tortueuses. Au fur et à mesure de leur progression, ce quartier de Savaria devenait de plus en plus miteux. Les rues s’emplissaient d’hommes ivres et étaient envahies par les ordures, les poules et les chiens errants. Ils passèrent devant une série de tavernes et les cris des clients retentirent dans les rues. Quelques ivrognes titubèrent devant eux. On alluma peu à peu des torches dans les rues tandis que la nuit tombait.

“Faites place au Duc !” s’écria le domestique en tête du cortège tout en écartant les ivrognes. Des types peu ragoûtants s’écartaient de part et d’autre des rues, stupéfaits de voir passer le Duc aux côtés d’Erec.

Ils arrivèrent enfin devant une humble petite auberge en stuc avec un toit en ardoise à deux versants. La taverne du rez-de-chaussée semblait pouvoir contenir une cinquantaine de clients et quelques chambres pour les clients se trouvaient à l’étage. La porte d’entrée était tordue, une fenêtre était cassée et la lampe de l’entrée, qui pendait de travers, ne donnait qu'une lumière vacillante en raison du peu de cire qu'elle contenait. Les cris des ivrognes jaillissaient par les fenêtres lorsqu’ils s’arrêtèrent devant la porte.

Comment une fille aussi raffinée peut-elle travailler dans un endroit pareil ? se demanda Erec, horrifié, en entendant les cris et les railleries qui provenaient de l’intérieur. Il eut le cœur brisé à la pensée du manque de respect dont elle devait souffrir dans un tel endroit. Ce n’est pas juste, pensa-t-il. Il n’en fut que plus déterminé à la sauver de cet environnement.

“Pourquoi te rends-tu au pire endroit qu’il soit pour chercher ta fiancée ?” demanda le Duc en se tournant vers Erec.

Brandt se tourna Г©galement vers lui.

“Dernière chance, mon ami”, dit Brandt. “Il y a un château plein de femmes de sang royal là-bas, et elles n’attendent que toi.”

Cependant, Erec secoua la tГЄte, dГ©terminГ©.

“Ouvrez la porte”, ordonna-t-il.

L’un des hommes du Duc se précipita et l’ouvrit d’un coup. Une odeur de bière périmée leur déferla dessus et les fit reculer.

A l’intérieur, des hommes ivres étaient vautrés sur le bar ou assis à des tables en bois, criant trop fort, riant, raillant et se bousculant les uns les autres. D’un coup d’œil, en voyant leur gros ventre, leurs joues non rasées et leurs vêtements sales, Erec se rendit compte qu’il s’agissait d’hommes plutôt rustres. Aucun guerrier ne se trouvait parmi eux.

Erec fit quelques pas à l’intérieur à la recherche de la fille. Il ne pouvait concevoir qu’une femme comme elle puisse travailler dans ce genre d’endroit. Il se demanda s’ils s’étaient présentés au mauvais endroit.

“Excusez-moi, monsieur, je suis à la recherche d’une femme”, demanda Erec à un homme grand, large, mal rasé et au gros ventre qui se tenait debout devant lui.

“Vraiment ?” s’écria l’homme moqueur. “Et bien, tu es au mauvais endroit ! Ce n’est pas un bordel, ici. Cela dit, il y en a un de l’autre côté de la rue et j’ai entendu dire que les femmes y étaient raffinées et rondelettes !”

L’homme se mit à rire trop fort au nez d’Erec et quelques-uns de ses compagnons se joignirent à lui.

“Je ne cherche pas de bordel”, répondit Erec sans rire, “mais une femme particulière qui travaille ici.”

“Tu parles sûrement de la domestique de l’aubergiste”, répondit une autre voix appartenant à un autre ivrogne gros et large. “Elle est probablement quelque part derrière en train de récurer le sol. C’est dommage, je préférerais qu’elle soit sur mes genoux en ce moment !”

Les hommes éclatèrent de rire, satisfaits de leurs propres blagues et Erec en devint rouge rien que d'y penser. Il eut honte pour elle. Qu’elle en soit réduite à servir ce genre d’hommes était un affront qu'il ne pouvait envisager.

“Et tu t'appelles ?” demanda une autre voix.

Un homme s’avança. Encore plus imposant que les autres, il avait une barbe et des yeux noirs, un air renfrogné, une large mâchoire et était entouré d’une bande de minables. Il était fait de muscles plus que de graisse et il s’approcha d’Erec d’une façon menaçante et très territoriale.

“Essaies-tu de me voler ma domestique ?” demanda-t-il. “Dehors !”

Il s’avança et tenta d’agripper Erec.

Cependant, ce dernier, un des meilleurs chevaliers du royaume endurci par des années d’entraînement, avait des réflexes dépassant de loin tout ce que cet homme pouvait imaginer. Au moment où sa main toucha Erec, ce dernier passa à l’action. Il lui attrapa le poignet, lui fit un crochet et, retournant l’homme à la vitesse de la lumière, le saisit par le dos de sa chemise et l’envoya promener au travers de la pièce.

L’homme imposant vola comme un boulet de canon et s’écrasa au sol en entraînant quelques-uns des hommes comme un jeu de quilles.

La salle entière se fit silencieuse. Tous les hommes s’arrêtèrent et regardèrent ce qui était en train de se dérouler.

“BATS-TOI ! BATS-TOI !” scandèrent les hommes.

Sonné, l’aubergiste se remit péniblement debout et chargea Erec en hurlant.

Cette fois-ci, Erec n’attendit pas pour réagir. Il s’avança à la rencontre de son assaillant, leva un bras et abattit son coude directement sur le visage de l’homme en lui cassant ainsi le nez.

L’aubergiste tituba puis s’effondra sur le sol.

Erec revint vers lui et, malgré sa taille imposante, le souleva haut au-dessus de sa tête. Il fit quelques pas et jeta une fois de plus l’homme en l'air, ce qui eut pour résultat d’envoyer à terre la moitié de la salle avec lui.

Tous les hommes présents dans la salle se figèrent et leurs cris d’encouragement cessèrent. Le silence s’installa alors qu’ils commençaient à comprendre qu’une personne spéciale se trouvait parmi eux. C’est alors que le serveur se jeta soudainement sur Erec armé d’une bouteille en verre qu’il brandissait haut au-dessus de sa tête.

Erec le vit se jeter sur lui. Il portait déjà la main à son épée mais, avant même qu’il ait eu le temps de la dégainer, son ami Brandt s’était interposé, avait sorti sa dague de sa ceinture et en pointait l’extrémité sous la gorge de l’assaillant.

Ce dernier courut droit dessus et s’arrêta juste à temps, la pointe acérée sur le point de transpercer sa peau. Il resta figé, les yeux écarquillés de terreur, suant à grosses gouttes, pétrifié sur place avec sa bouteille encore en l’air. Le silence fut tel dans la salle qu’on aurait pu entendre une épingle tomber dans l’impasse.

“Lâche ça”, ordonna Brandt.

L’homme s’exécuta et la bouteille se brisa sur le sol.

Erec dégaina son épée avec un fort bruit métallique, s’avança jusqu’à l’aubergiste qui gisait en gémissant sur le sol et il la pointa vers sa gorge.

“Je ne le dirai qu’une seule et unique fois”, décréta Erec. “Fais disparaître toute cette racaille. Sur le champ. Je demande à m’entretenir avec la dame. Seul.”

“Le Duc !” s’écria quelqu’un.

La salle entière se retourna et reconnut enfin le Duc qui se tenait à l’entrée entouré de ses hommes. Tous s’empressèrent d’ôter leurs couvre-chefs et de baisser la tête.

“Si la salle n’est pas entièrement vide d’ici la fin de ma phrase”, déclara le Duc, “vous serez immédiatement jetés en prison.”

Ce fut l’hystérie. Tous les hommes s’empressèrent de quitter les lieux, se bousculant devant le Duc et cherchant à s’engouffrer par la porte, laissant derrière eux leurs bouteilles de bières entamées.

“Et c’est valable pour toi aussi”, lança Brandt au serveur tout en abaissant sa dague et en l’attrapant par les cheveux pour le pousser vers la sortie.

La pièce qui était pleine d’agitation quelques instants auparavant se retrouva soudainement vide et silencieuse avec pour seule présence celle d’Erec, Brandt, le Duc, la dizaine de ses hommes les plus fidèles et l’aubergiste. Ils refermèrent la porte derrière eux dans un claquement retentissant.

Erec se tourna vers l’aubergiste qui, assis sur le sol, était en train d’essuyer le sang qui lui coulait du nez, encore sous le choc. Erec l’attrapa par la chemise, le souleva à l’aide des deux mains et l’assit sur l’un des bancs vides.

“Tu m'as ruiné la soirée”, se plaignit l’aubergiste. “Il faudra payer pour ça.”

Le Duc s’avança en soutien.

“Je pourrais te faire arrêter pour avoir osé porter la main sur cet homme”, le réprimanda le Duc. “Sais-tu de qui il s’agit ? C’est Erec, le meilleur chevalier du roi, le champion de l'Argent. S’il le désire, il est autorisé à te tuer sur le champ.”

L’aubergiste leva les yeux vers Erec et, pour la première fois, la terreur se lut sur son visage. Il en tremblait presque sur son siège.

“Je ne pouvais pas le savoir. Vous ne vous êtes pas présenté.”

“Où est-elle ?” demanda Erec avec impatience.

“Elle est à l’arrière en train de récurer la cuisine. Qu’est-ce que vous lui voulez ? Vous a-t-elle dérobé quelque chose ? Ce n’est qu’une domestique en servage.”

Erec s’empara de son épée et l’agita sous la gorge de l’homme.

“Appelle-la encore une fois �domestique’”, le prévint Erec, “et sois certain que je te trancherai la gorge. Compris ?” lui demanda-t-il d’un ton ferme en appuyant la lame sur la peau de l’homme.

Ce dernier se mit à pleurer tout en acquiesçant lentement.

“Amène-la ici et en vitesse”, lui ordonna Erec en le remettant brutalement sur ses pieds et en le poussant, le propulsant à travers la pièce vers la porte arrière.

Une fois que l’aubergiste fut sorti, ils entendirent un remue-ménage de casseroles, des cris étouffés et quelques instants plus tard la porte s’ouvrit sur un petit groupe de femmes vêtues de blouses et de haillons, portant des bonnets et couvertes de graisse de cuisine. Le groupe était constitué de trois femmes âgées de la soixantaine et Erec se demanda l’espace d’un instant si l’aubergiste savait de qui il parlait.

Puis elle apparut et le cœur d’Erec cessa de battre dans sa poitrine.

Il avait peine à respirer. C’était elle.

Elle portait un tablier couvert de taches de graisse et, n'osant pas lever les yeux, gardait la tête baissée. Ses cheveux étaient attachés, couverts par du tissu, ses joues recouvertes de crasse et malgré tout Erec était complètement épris d’elle. Sa peau était tellement jeune, tellement parfaite. Ses joues étaient hautes et bien dessinées, tout comme sa mâchoire, son petit nez était couvert de taches de rousseur et ses lèvres étaient pleines. Elle arborait un front large et royal et ses cheveux blonds s’échappaient de dessous son bonnet.

L’espace d’un court instant, elle releva la tête vers lui et ses grands et magnifiques yeux vert amande, qui tendaient vers un bleu cristallin à la lumière, se clouèrent sur place. Il fut surpris de réaliser qu’elle le fascinait encore plus à présent que la première fois où il l’avait rencontrée.

Derrière elle réapparut l’aubergiste à l’air mauvais, qui continuait d’essuyer le sang qui lui coulait du nez. Entourée des autres femmes plus âgées, la fille s’avança timidement vers Erec et fit une révérence. Devant elle, Erec se redressa tout comme le firent certains membres de l’entourage du Duc.

“Monseigneur”, dit-elle d’une voix légère et douce qui remplit le cœur à Erec. “Veuillez s’il vous plaît me dire ce que j’ai fait pour vous offenser. Je n’en ai aucune idée et je m’excuse d’avance de ce que j’ai pu faire et qui justifie la présence de la cour du Duc.”

Erec sourit. Ses mots, sa façon de parler, le son de sa voix, tout l’apaisait. Il ne voulait pas qu’elle cesse de parler.

Erec tendit la main et lui toucha le menton, relevant lentement son visage jusqu’à ce que leurs regards se croisent. Son cœur s’accéléra lorsqu’il plongea son regard dans le sien. C’était comme se perdre dans le bleu de l’océan.

“Milady, vous n’avez rien fait qui m’ait offensé. Je ne pense pas que vous puissiez un jour faire une telle chose. Je viens à vous sans colère aucune, mais rempli d’amour. Depuis que je vous ai vue, je ne peux plus penser à rien d’autre.”

La fille rougit et baissa immédiatement les yeux vers le sol en cillant un certain nombre de fois. Elle se tortillait les mains, nerveuse et bouleversée. A l’évidence, elle n’avait vraiment pas l’habitude de ce genre de compliments.

“S’il vous plaît, Milady, auriez-vous l’amabilité de me dire votre nom ?”

“Alistair”, répondit-elle humblement.

“Alistair”, répéta Erec, bouleversé à son tour. C’était le plus beau prénom qu’il ait jamais entendu.

“Cependant, je ne comprends pas en quoi cela peut vous être utile”, ajouta-t-elle doucement, en continuant à regarder le sol. “Vous êtes un seigneur et je ne suis qu’une domestique.”

“C’est ma domestique, pour être exact”, dit méchamment l’aubergiste en avançant d’un pas. “Elle est à mon service. Elle a signé un contrat il y a des années de cela. Elle s’est engagée pour sept ans et, en retour, je lui donne le gîte et le couvert. Cela fait trois ans, maintenant. Vous voyez, c’est une perte de temps. Elle m’appartient. Elle est à moi. Vous ne me la prendrez pas. Elle m’appartient. Vous comprenez ?”

Erec ressentit pour l’aubergiste une haine qui dépassait tout ce qu’il avait jamais ressenti pour un être humain. Il était à deux doigts de dégainer son épée et de la lui planter dans le cœur pour en finir avec lui mais, bien que l’homme mérite grandement ce sort, Erec ne voulait pas enfreindre la loi du Roi. Après tout, ses actes avaient des répercussions pour le Roi.

“La loi du Roi est la loi du Roi”, dit Erec à l’homme d’un ton ferme. “Je n’ai pas l’intention de l’enfreindre. Cela étant dit, le tournoi débute demain et, comme tout homme, j’ai le droit de choisir ma promise. Et que cela soit dit haut et fort, je choisis Alistair.”

Un sursaut traversa la salle. Tous se regardГЁrent les uns les autres, choquГ©s.

“Sous réserve qu’elle y consente”, ajouta Erec.

Le cЕ“ur battant, Erec regarda Alistair qui gardait les yeux dirigГ©s vers le sol. Il voyait Г  quel point elle rougissait.

“Le souhaitez-vous, Milady ?” demanda-t-il.

Le silence se fit dans la salle.

“Monseigneur”, dit-elle doucement, “vous ne savez rien de moi, ni d’où je viens, ni de pourquoi je me trouve ici. Je suis navrée mais ce sont des choses que je ne peux vous révéler.”

Erec la regarda, abasourdi.

“Pourquoi ne pouvez-vous pas me le dire ?”

“Je n’en ai parlé à personne depuis mon arrivée. J’ai prêté serment.”

“Mais pourquoi ?” insista-t-il, dévoré par la curiosité.

Cependant, Alistair se contenta de garder la tГЄte baissГ©e en silence.

“C’est vrai,” renchérit l’une des autres domestiques. “Elle ne nous a jamais rien dit sur elle. Ou pourquoi elle est venue ici. Elle refuse catégoriquement. Cela fait des années que nous insistons.”

Elle le laissait profondément perplexe mais cela ne faisait qu’en rajouter à son mystère.

“Si je ne peux pas savoir qui vous êtes, alors, je ne le saurai pas”, déclara Erec. “Je respecte votre serment, mais cela ne change rien aux sentiments que j'ai pour vous. Milady, qui que vous soyez, si je dois remporter ce tournoi, alors, je vous choisirai pour récompense. Vous, parmi toutes les femmes du royaume. Je vous le redemande : le souhaitez-vous ?”

Alistair continuait de fixer le sol et, en y regardant de plus prГЁs, Erec vit des larmes couler sur ses joues.

Soudain, elle se retourna, partit en courant et referma la porte derriГЁre elle.

Erec resta sur place avec les autres dans un silence stupГ©fait. Il ne savait pas vraiment comment interprГ©ter sa rГ©ponse.

“Vous voyez bien que vous gaspillez votre temps et le mien”, dit l’aubergiste. “Elle a dit non. J’en ai fini avec vous, dans ce cas.”

Erec fit la moue.

“Elle n’a pas dit non”, intervint Brandt. “Elle n’a pas répondu.”

“Elle a le droit de prendre son temps”, dit Erec, prenant sa défense. “Après tout, c’est une décision importante. Elle ne me connaît pas non plus.”

Erec resta ainsi Г  se demander quelle attitude adopter.

“Je vais rester ici ce soir”, finit par déclarer Erec. “Donnez-moi une chambre ici, dans le même couloir qu’elle. Au petit matin, avant que le tournoi ne commence, je lui représenterai ma demande. Si elle accepte et que je suis déclaré vainqueur, alors, elle sera ma fiancée. Si c’est le cas, je vous paierai sa servitude et elle pourra partir avec moi.”

L’aubergiste n’avait à l’évidence aucune envie d’héberger Erec sous son toit mais il s’abstint de dire quoi que ce soit. Il tourna les talons et quitta la pièce comme une tornade en claquant la porte derrière lui.

“Es-tu sûr de vouloir rester ici ?” demanda le Duc. “Rentre au château avec nous.”

Erec secoua la tête d’un air grave.

“De toute ma vie, je n’ai jamais été aussi sûr de moi.”




CHAPITRE HUIT


Thor fendit l’air, plongea et pénétra la tête la première dans les eaux agitées de la Mer de Feu. Il coula instantanément et commença à se rendre compte à quel point l’eau était chaude.

Sous la surface, Thor ouvrit brièvement les yeux et le regretta aussitôt. Il aperçut un mélange d’étranges créatures effrayantes, petites et grandes, aux têtes inhabituelles et grotesques. Cet océan grouillait de bêtes. Il pria pour qu'elles ne l'attaquent pas avant qu'il ait rejoint la sécurité de la barque.

Thor refit surface en haletant et se mit immédiatement à la recherche du garçon qui se noyait. Il le repéra juste à temps : il gesticulait, avait des difficultés à rester à la surface et Thor était certain que, d’ici quelques secondes, il coulerait.

Thor s’approcha de lui, l’attrapa par la clavicule et commença à nager avec lui en essayant tant bien que mal de garder leurs deux têtes hors de l’eau. Thor entendit un plouf et un gémissement. Il se retourna et fut surpris de voir Krohn, qui avait dû sauter dans l’eau pour le rejoindre. Le léopard le rejoignit en barbotant et en gémissant. Thor se sentit terriblement coupable que Krohn se mette ainsi en danger mais il était trop occupé et ne pouvait en faire plus.

Thor essaya de ne regarder ni l’eau bouillonnante et rouge qui l'entourait ni les étranges créatures faisaient surface et disparaissaient sans cesse. Une créature à quatre bras et deux têtes, violette et hideuse, émergea près de lui, lui siffla dessus et replongea en faisant sursauter Thor.

Thor se tourna et vit que l’embarcation se trouvait à une vingtaine de mètres. Il nagea vers elle de façon frénétique en se servant de son seul bras libre et de ses jambes tout en traînant le garçon. Ce dernier gesticulait et hurlait tout en se débattant. Thor eut peur qu’il ne l’entraîne au fond avec lui.

“Arrête de bouger !” cria sèchement Thor en espérant que le garçon obéirait.

Heureusement, c’est ce qu’il fit. Thor fut temporairement soulagé, jusqu’à ce qu’il entende un nouveau plouf et tourne sa tête de l’autre côté : une autre créature venait de faire surface juste à côté de lui, petite, avec une tête jaune et quatre tentacules. Elle avait une tête carrée et nageait vers lui en grondant et en tremblant. Elle ressemblait à un serpent à sonnette des mers mais sa tête était trop carrée. Alors qu’elle s’approchait, prête à mordre, Thor s’arc-bouta mais elle ouvrit soudainement sa gueule vide et lui cracha de l’eau de mer dessus. Thor cligna des yeux pour essayer d’y voir plus clair.

La créature se mit à nager en rond autour d’eux, décrivant des cercles et Thor redoubla d’efforts, nageant aussi vite que possible pour s’échapper.

Thor se rapprochait de plus en plus du bateau lorsque qu’une autre créature émergea près de lui de l’autre côté. Celle-ci était longue, étroite et orange avec deux griffes près de la bouche et une douzaine de courtes pattes. Elle avait également une longue queue qui fouettait dans toutes les directions. En se redressant, elle ressemblait à un homard. Elle flottait à la surface comme une punaise d’eau et se dirigea vers Thor en se mettant sur le côté et faisant claquer sa queue. La queue fouetta le bras de Thor qui hurla de douleur à cause de la piqûre.

La créature faisait des allers et retours, piquant encore et encore. Thor aurait aimé pouvoir se saisir de son épée et l’attaquer mais il n’avait qu’une main de libre et en avait besoin pour nager.

Nageant à ses côtés, Krohn se tourna vers la créature et se mit à gronder. Le grondement s’éleva dans les airs. Krohn se mit à nager vers la bête sans aucune crainte. Effrayée, elle disparut sous l’eau. Thor soupira de soulagement jusqu’à ce que la créature réapparaisse de l’autre côté et se remette à piquer. Krohn fit demi-tour et se mit à poursuivre la créature en essayant de l’attraper et en faisant claquer ses mâchoires qui se refermaient systématiquement sur du vide.

Thor nageait pour survivre, comprenant que la seule façon de se sortir de cet enfer était de sortir de l’eau. Après un temps qui lui parut une éternité et après avoir nagé comme il ne l’avait jamais fait de sa vie, il atteignit enfin la barque qui tanguait violemment dans les vagues. Deux membres de la Légion, des garçons plus âgés qui n’avaient jamais adressé la parole ni à Thor ni à ses compagnons, étaient prêts à lui porter assistance. Ils eurent le mérite de se pencher par-dessus bord et de lui tendre la main.

Thor aida d’abord le garçon en essayant de s’agripper et de le hisser dans le bateau. Le plus âgé des garçons l’attrapa par le bras et le tira à bord.

Toujours accroché au bateau, Thor attrapa Krohn par la peau du ventre et le lança par-dessus bord. Krohn agita les pattes tout en retombant et griffa le bois du bateau, complètement mouillé et tout tremblant. Il glissa sur le fond mouillé du bateau et traversa la largeur du bateau puis, dès qu’il se retrouva sur pattes, il se retourna et courut jusqu’au bord à la recherche de Thor. Il resta là à regarder l’eau en glapissant.

Thor tendit la main et se cramponna à celle d’un des garçons. Il était sur le point de sortir de l’eau lorsqu’il sentit une emprise puissante et musclée le saisir par la cheville et la cuisse. Il se retourna et regarda sous lui. Son cœur s’arrêta de battre quand il vit la créature verdâtre qui ressemblait vaguement à un calmar enrouler son tentacule autour de sa jambe.

Thor hurla de douleur lorsqu’il sentit ses aiguillons transpercer sa chair.

Thor comprit qu’il serait perdu s’il ne réagissait pas rapidement. De sa main libre il attrapa sa courte dague sur sa ceinture et poignarda la bête. Cependant, le tentacule était tellement épais que la dague n’arrivait pas à la transpercer.

Cela mit la créature en colère. La tête de la créature sortit de l’eau d’un coup. Verte, sans yeux et armée de deux mâchoires sur un long cou, l’une au-dessus de l’autre, elle montra brusquement une rangée de dents acérées comme des lames de rasoir et s’élança vers Thor. Ce dernier eut l’impression que son sang cessa soudain de circuler dans sa jambe et sut qu’il fallait réagir au plus vite. Malgré les efforts du plus âgé des garçons pour le retenir, Thor lâchait prise peu à peu et redescendait lentement vers les eaux.

Krohn glapit encore et encore, les poils dressés sur le dos, se penchant par-dessus bord comme s’il était prêt à se lancer à l’eau, mais même Krohn devait savoir qu’attaquer cette chose était peine perdue.

L’un des deux garçons fit un pas en arrière et cria :

“PENCHE-TOI !”

Thor baissa la tête alors que le garçon jetait une lance. Elle fila dans l’air mais rata sa cible, finissant dans l’eau sans faire aucun mal. La créature était trop petite et trop rapide.

Soudain, Krohn bondit dans l’eau, atterrit mâchoire ouverte sur l’arrière du cou de la créature et y enfonça ses crocs acérés. Krohn mordit violemment. Secoué de tous côtés, il refusa de lâcher prise.

Cependant, cette bataille était perdue d’avance : la peau de la créature était bien trop épaisse et musclée. La créature secoua Krohn de part et d’autre et l’envoya finalement promener dans les airs. Pendant ce temps, la créature avait resserré son emprise sur la jambe de Thor, qui commençait à manquer d’oxygène. Les tentacules le brûlaient affreusement et il avait l’impression que sa jambe allait lui être arrachée à tout moment.

Dans une dernière tentative désespérée, Thor lâcha la main du garçon pour se saisir de la petite épée à sa ceinture.

Cependant, il ne réussit pas à l’attraper à temps; il glissa et tomba la tête la première dans l’eau.

Thor se sentit emporté loin du bateau. La créature le tira dans la mer. Entraîné de plus en plus vite, il tendit désespérément les mains et vit le bateau disparaître. La dernière chose dont il se souvint fut d’être entraîné sous la surface de l’eau vers les profondeurs de la Mer de Feu.




CHAPITRE NEUF


Gwendolyn courait dans la prairie aux côtés de son père, le Roi MacGil. Elle était jeune, avait environ dix ans et son père semblait bien jeune lui aussi. Il portait une courte barbe qui ne grisonnait pas encore comme cela serait le cas plus tard dans sa vie, sa peau était jeune, sans ride aucune et brillait de santé. Il était heureux, insouciant et se laissait aller à rire tout en lui tenant la main et en courant dans les champs. C’était le père dont elle se souvenait, le père qu’elle connaissait.

Il la prit dans ses bras et la jeta sur son épaule, la faisant tourner encore et encore, en riant de plus en plus fort alors qu’elle ricanait de façon hystérique. Elle se sentait en sécurité dans ses bras. Elle aurait voulu que ce moment partagé dure pour toujours.

Toutefois, lorsque son père la reposa à terre, quelque chose d’étrange se produisit. Le bel après-midi ensoleillé fit brusquement place au crépuscule. Lorsque les pieds de Gwen touchèrent le sol, ils ne se trouvaient plus dans une prairie fleurie mais embourbés jusqu’à la cheville dans de la boue. Son père gisait à présent sur le dos, dans la boue, à quelques pas d’elle. Il était plus âgé, bien plus âgé, trop âgé, et il était coincé. Plus loin, sa couronne scintillante gisait elle aussi dans la boue.

“Gwendolyn”, haleta-t-il. “Ma fille. Aide-moi.”

DГ©sespГ©rГ©, il rГ©ussit Г  extraire une main de la boue et la tendit vers elle.

Submergée par le sentiment de devoir lui venir en aide au plus vite, elle essaya de le rejoindre et d’attraper sa main mais ses pieds ne bougèrent pas d’un pouce. Elle baissa les yeux et vit que la boue avait durci tout autour d’elle et craquait en s’asséchant. Elle remua le plus qu’elle put pour se libérer.

Gwen cligna des yeux et se retrouva debout sur le parapet du chГўteau, regardant la Cour du Roi en contrebas. Quelque chose clochait : en baissant les yeux, elle ne voyait ni la splendeur ni les festivitГ©s habituelles mais plutГґt un cimetiГЁre Г  perte de vue. LГ  oГ№, jadis, la Cour du Roi avait affichГ© sa splendeur, il n'y avait maintenant plus que des tombes fraГ®ches oГ№ que se posent ses yeux.

Elle entendit des bruits de pas. Son cœur s’arrêta quand elle se retourna et découvrit un assassin en cape noire à capuche qui s’approchait d’elle. Il se précipita sur elle en relevant sa capuche et révéla son visage grotesque, auquel manquait un œil et qui était balafré par une épaisse cicatrice déchiquetée qui lui barrait l’orbite. Il se mit à grogner, leva une main tenant une dague scintillante dont la poignée avait un éclat rouge.

Il allait trop vite et elle ne put réagir à temps. Elle se recroquevilla sur elle-même en sachant qu’elle allait mourir transpercée par la dague qui s’abattrait sur elle avec force.

Cependant, l'assassin s’arrêta brusquement à quelques centimètres de son visage. Elle rouvrit les yeux pour découvrir que son père mort s’était relevé pour intercepter le poignet de l’homme dans sa course. Il serra la main de l’homme jusqu’à ce qu’il lâche la dague puis souleva l’homme par-dessus son épaule et le projeta par-dessus le parapet. Gwen entendit ses hurlements lorsqu’il passa par-dessus le rebord.

Son père se retourna et la regarda. Il l’attrapa fermement par les épaules de sa main en décomposition et la fixa avec une expression sévère.

“Ce lieu n’est pas sûr pour toi”, la sermonna-t-il. “C’est dangereux !” se mit-il à crier. Ses doigts se refermèrent de plus en plus fort sur son épaule et lui arrachèrent un cri.

Gwen se réveilla en criant. Elle s’assit dans son lit, regardant la chambre autour d’elle, prête à subir une attaque.

Cependant, elle n’entendit que le silence, le silence lourd et tranquille qui précédait l’aube.

Transpirante et haletante, elle bondit du lit en chemise de nuit et se mit à arpenter la chambre. Elle se précipita vers un petit bassin en pierre, s’aspergea encore et encore le visage d’eau puis s’appuya contre le mur en sentant la fraîcheur de la pierre sous ses pieds en ce doux matin d’été. Elle essaya de reprendre ses esprits.

Ce rêve semblait bien trop réel. Elle sentait que c’était plus qu’un simple rêve, que c'était un avertissement direct de son père, un message. Elle ressentit soudain le besoin impérieux de quitter la Cour du Roi sur le champ et de ne jamais y revenir.

Cependant, elle savait que c’était une chose qu’elle ne pouvait faire. Il fallait qu'elle reprenne ses esprits pour recouvrer ses facultés. Cependant, à chaque fois qu’elle clignait des yeux, elle voyait le visage de son père, sentait son avertissement. Il fallait qu'elle fasse quelque chose pour faire disparaître ce rêve.

Gwen regarda dehors et vit que le premier soleil commençait tout juste à se lever. Elle pensa au seul et unique endroit où elle pourrait retrouver ses esprits : la Rivière du Roi. Oui, c’est là qu’elle devait se rendre.


*

Gwendolyn plongea dans les sources glacées de la Rivière du Roi, se pinçant le nez et maintenant la tête sous l’eau. Elle s’assit dans la petite piscine naturelle creusée dans le rocher et cachée dans les sources supérieures qu’elle avait découverte étant enfant et qu’elle fréquentait depuis. Elle garda la tête sous l’eau et resta ainsi en sentant les froids courants courir dans ses cheveux et sur son cuir chevelu, nettoyant son corps nu.

Elle avait découvert ce lieu secret un jour, caché au milieu d’un bosquet d’arbres, haut sur la montagne sur un petit plateau où le courant de la rivière était moins puissant et créait une piscine calme et profonde. Au-dessus comme en-dessous d’elle, la rivière n’était que torrents, mais ici, sur ce plateau, la rivière était très calme. La piscine était profonde, les rochers lisses et l’endroit si bien caché qu’elle pouvait se laisser aller à nager nue avec insouciance. L’été, au lever du soleil, elle venait ici presque tous les matins pour se vider la tête, et plus particulièrement les jours comme celui-ci où ses rêves la hantaient, ce qui était souvent le cas. C’était l’endroit où elle trouvait refuge.

Il lui était difficile de savoir s’il s’agissait juste d’un rêve ou si c’était autre chose. Comment savoir si un rêve était un message, un présage ? Comment savoir s’il s’agissait de son esprit qui se jouait d’elle ou d’une indication ?

Gwendolyn émergea, respira l’air chaud du matin et écouta les oiseaux gazouiller dans les arbres tout autour d’elle. Elle prit appui sur un rocher, son corps émergeant jusqu’au cou, s’assit sur un rebord naturel et se mit à réfléchir. Elle s’aspergea le visage à deux mains puis laissa courir ses mains dans sa longue chevelure blonde. Sur la surface bleutée de l’eau, elle regarda les reflets du ciel, le second soleil qui avait commencé à se lever, les arbres courbés au-dessus de l’eau et son propre visage. Ses yeux bleu brillant en amande capturaient son reflet ondulant dans l’eau. Ils lui rappelaient un peu ceux de son père. Elle détourna le regard, repensant à son rêve.

Elle savait qu’il était dangereux qu'elle reste à la Cour du Roi, à cause de l’assassinat de son père, des espions, des complots, et plus particulièrement avec Gareth comme roi. Son frère était imprévisible. Vindicatif. Paranoïaque. Et très, très jaloux. Il voyait tout le monde comme une menace et elle encore plus que les autres. Tout pouvait arriver. Elle savait qu’elle n’était plus en sécurité ici. Personne ne l’était.

Cependant, elle n’était pas du genre à prendre la fuite. Il fallait qu'elle sache avec certitude qui était l’assassin de son père et s’il s’agissait de Gareth. Elle ne pouvait s’enfuir avant de l’avoir livré à la justice. Elle savait que, tant que le meurtrier de son père serait en liberté, l’esprit de son père ne reposerait pas en paix. La justice avait été le cri de ralliement de son père toute sa vie, et même mort il méritait justice, plus que n’importe qui d’autre.

Gwen repensa à Godfrey et à leur rencontre avec Steffen. Elle était persuadée que Steffen leur cachait quelque chose et elle se demandait ce dont il s’agissait. Une partie d’elle-même pensait qu’il leur parlerait avec le temps. Et pourtant, si ce n’était jamais le cas ? Elle ressentait le besoin urgent de retrouver le meurtrier de son père mais ne savait où se tourner.

Gwendolyn finit par se lever de son siège aquatique, sortit nue sur le bord, frissonnant dans l’air matinal, se cacha derrière un gros arbre et leva la main pour attraper sa serviette sur une branche comme elle le faisait toujours.

Cependant, alors qu’elle tendait la main, elle fut surprise de découvrir que sa serviette n’était plus là. Elle resta là, nue, mouillée, sans comprendre. Elle était certaine de l’avoir mise là, comme elle le faisait toujours.

Alors qu’elle se tenait là, déconcertée, en essayant de comprendre ce qui se passait, elle perçut soudainement un mouvement derrière elle. Cela se passa très vite, comme une impression, et l’instant d’après, son cœur s’arrêta lorsqu’elle comprit qu’un homme se tenait derrière elle.

Tout se passa très vite. En quelques secondes, l’homme vêtu, comme dans son rêve, d’une cape noire à capuche l’attrapa d’une main osseuse qui se plaqua sur sa bouche, étouffant ses cris alors qu’il l’immobilisait fermement. Il l’entoura avec son autre bras en l’attrapant par la taille, la maintenant contre lui et la soulevant du sol.

Elle se débattit dans les airs en essayant de crier jusqu’à ce qu’il la repose tout en continuant à la serrer fermement. Elle essaya d’échapper à son emprise mais il était trop fort. Il la ceintura de nouveau et Gwen vit une dague à la poignée luisante de rouge, la même que dans son rêve. Cela était donc bien un avertissement.

Elle sentit la lame sur sa gorge et il appuyait si fort qu’il aurait suffi qu’elle bouge dans n’importe quelle direction pour avoir la gorge tranchée. Des larmes se mirent à rouler sur ses joues tandis qu’elle commençait à avoir du mal à respirer. Elle était furieuse contre elle-même. Elle était vraiment trop bête. Elle aurait dû être plus prudente.

“Me reconnais-tu ?” demanda-t-il.

Il se pencha en avant. Elle sentit son horrible haleine chaude sur sa joue et aperçut son profil. Son cœur cessa de battre : c’était le même visage que dans son rêve, le borgne à la cicatrice.

“Oui”, répondit-elle d’une voix tremblante.

Elle connaissait trop bien ce visage. Elle ne connaissait pas son nom mais elle savait que c'était un agent. Un personnage de basse classe, de ceux qui traînaient autour de Gareth depuis l’enfance. C’était le messager de ce dernier. Gareth l’envoyait à tous ceux qu’il souhaitait effrayer, torturer ou tuer.

“Tu es le chien de mon frère”, lui siffla-t-elle sur un ton de défi.

Il sourit, rГ©vГ©lant une dent manquante.

“Je suis son messager”, dit-il. “Et mon message t’est envoyé avec une arme spéciale pour s’assurer que tu t’en souviennes bien. Aujourd’hui, son message pour toi, c’est qu'il faut que tu arrêtes de poser des questions. C’est une chose dont tu te souviendras parfaitement bien car lorsque j’en aurai fini avec toi, la cicatrice qui restera sur ton joli visage te le rappellera jusqu’à la fin de tes jours.”

Il renifla puis leva la lame haut dans les airs et commença à l’abaisser vers son visage.

“NON !” hurla Gwen.

Elle se dГ©battit pour Г©viter cette blessure qui changerait irrГ©mГ©diablement sa vie.

Cependant, alors que la lame était en train de s’abattre, quelque chose se produisit. Un oiseau poussa soudain un cri perçant et fondit sur l’homme. Elle leva les yeux et le reconnut au dernier moment.

C'Г©tait Estopheles.

Elle fondit sur l’homme toutes serres dehors et lacéra le visage de l’homme au moment où il abattait sa dague.

La lame avait tout juste commencé à entailler la joue de Gwen, la transperçant d’une vive douleur, lorsqu’elle changea brusquement de direction; l’homme hurla, laissa tomber son arme et leva les mains. Gwen vit un éclair blanc dans le ciel, le soleil brillant derrière les branches et, alors qu’Estopheles s’envolait, elle savait, elle en était persuadée, que c’était son père qui avait envoyé le faucon.

Elle ne perdit pas de temps. Elle se retourna, prit son élan et assena un coup violent sur le plexus solaire de l’homme, visant parfaitement avec ses pieds nus, comme le lui avait appris son entraîneur. Il perdit l’équilibre sous la force du coup. Depuis toute jeune, elle savait qu’elle n’avait pas besoin d’être extrêmement forte pour se défendre contre un assaillant. Il fallait simplement qu'elle sache se servir de ses muscles les plus puissants, ceux des cuisses, et qu'elle sache viser précisément.

Alors que l’homme restait là à chanceler, elle s’avança vers lui, l’attrapa par l’arrière des cheveux et leva le genou. Elle visa encore avec une incroyable précision et son genou vint parfaitement s’écraser sur le nez de l'homme.

Elle entendit un craquement satisfaisant et sentit le sang chaud de l’homme se répandre sur sa jambe alors que l'homme se laissait tomber au sol. Elle savait qu’elle venait de lui casser le nez.

Elle savait qu’il fallait qu'elle en finisse avec lui pour de bon, qu'elle s’empare de cette dague et qu'elle la lui plonge dans le cœur.

Cependant, elle était debout, nue et son instinct lui dictait de se couvrir et de déguerpir. Elle ne voulait pas avoir le sang d’un homme sur les mains, quand bien même il le méritait.




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